LE CIRQUE ZINDERO


FIRMIN
Firmin pénétra sous le chapiteau où avait été installé les tables et les chaises. En fait, il s’agissait de planches sur des tréteaux et chacun devait ramener sa chaise ou son tabouret de sa tante. Cela faisait gagner de la place ce qui lorsqu’on voyage très régulièrement, n’est pas du luxe. Tout le monde était là ou presque. Sarah avait vite été repérée par Amélie, Firmin savait bien qu’elle lui plairait, et même Miguel Maestro était arrivée. Miguel discutait avec Arthur, le monsieur muscle de la troupe. Fred et Luc, ou plutôt les frères Silic, les jongleurs-diabolistes aux multiples talents de jonglerie, étaient assis avec David. Manuella était assise à proximité d’Amélie et de Sarah. Sandra, la funambule, était assise avec Marie et sa famille dont Georges, son père, le cracheur de feu. Michelle et Youri, les trapézistes, étaient en train d’arriver. A la grande époque de Raphaël et Caroline, Michelle et Youri avaient été engagés comme supléants pour les soirées de gala qui privait le cirque de son couple vedette. Après la mort de Raphaël, Firmin aurait préféré arréter complètement les numéros de trapèzes mais il ne pouvait pas mettre Michelle et Youri à la porte. Il s’était donc résolu à continuer le trapèze qui, de toutes façons, est une des disciplines phares de tout cirque. De temps en temps, pendant les répétitions du couple, Firmin voyait Caroline assister à leurs répétitions avec envie.

Caroline justement discutait avec Anoushka. C’est elles qui s’occupaient de faire la cuisine pour tout le monde. Firmin soupira. Avant, c’était Mélissa qui remplissait cette fonction... Que des pensées positives, aujourd’hui, il ne devait avoir que des pensées positives. David aussi donnait régulièrement un coup de main à la cuisine, même s’il était préférable de ne pas le laisser en faire trop...

Voir tout le monde comme ça réuni, ça donnait du baume au coeur de Firmin et il était d’autant plus content de leur annoncer la bonne nouvelle.
-S’il vous plait, fit-il, tout le monde est là?
Les conversations s’interrompirent et tout le monde se tourna vers Firimin, conscient qu’il allait dire quelque chose.
-Non, attends!
Pedro arrivait avec Elysabeth sur ses talons.
-Excuse-nous, dit-il.
Firmin sourit.
-Pas de problème. Et bien pour commencer, je vais vous présenter deux nouvelles recrues du cirque que vous connaissez peut-être déjà. Sarah est écuyère, elle a 18 ans et il s’agit de sa première participation à un cirque. J’espère que vous lui réserverez un bon accueil mais je n’en doute pas.
Première nuée d’applaudissements.
-Et je vous présente EL MAESTRO ! A savoir, Miguel, notre nouveau magicien. Arthur, cela ne te gène pas de partager ta roulotte avec lui ? Va falloir qu’on se serre un peu dans ce cirque et on peut pas acheter une roulotte par personne.
Le "monsieur muscle" dit qu’il serait ravi d’accueillir le magicien et Firmin sourit intérieurement en observant les différences entre Arthur et Miguel.
-D’ailleurs, on attend une autre recrue qui devrait bientôt arriver. Elle s’appelle Jojo et elle est, entre autre, contorsionniste. Ely, tu veux bien partager ta roulotte avec elle ?
-Pas de problème, fit Elysabeth.
-Va falloir l’aménager car, même si elle est contorsionniste, elle fait plus de deux mètres.
-Wah! Plus de deux mètres, fit Amélie!
-Et oui, poursuivit Firmin. J’ai aussi une autre bonne nouvelle à vous annoncer.
Le silence resta complet jusqu’à ce que Firmin se décide à continuer.
-Un engagement pour un mois, tous les jours et tous les soirs.
Tous les habitants du cirque se mirent à parler tout bas. Certains, comme David, avait la bouche ouverte d’étonnement.
-Tous les jours et toutes les nuits, demanda Anoushka ?!
-Exactement. Je vous explique de quoi il s’agit. Un chatelain, Monsieur Charles De Vassiers, a, sur les conseils de sa fille, transformé le grand jardin de son chateau en un grand, et même très grand, labyrinthe. Il veut développer la visite de son chateau et le labyrinthe est là pour attirer les touristes. Seulement, il tient à animer les différents recoins de son labyrinthe la journée et il a pensé à une troupe de cirque.
-Génial, fit Amélie!
-Ce qui signifie que l’on se répartira un peu partout dans le labyrinthe et qu’on fait l’animation pour les visiteurs. Miguel fait des tours de magie dans un coin, Manuella fait la bonne aventure, Fred et Luc jonglent ou font du monocycle, Sarah passe à cheval, Arthur tord des trucs, Ely et Pedro font leurs clowneries, etc etc... Tout le monde participe. C’est pas dur, on peut aussi passer en échasses, sur la boule...
On peut même créer un peu nos personnages qui peuvent ou aider les visiteurs dans le labyrinthe, ou les perdre. Ca nous ouvre un tas de possibilités!!
-Et le soir, demanda Anoushka ?
-Et bien tous les soirs sauf le dimanche, on fait le spectacle dans le cirque. C’est à dire qu’on récupère les mêmes plus ceux qui n’ont pas pu bosser dans la journée, comme les jaguars, les trapézistes.
-Et la paye, demanda Anoushka avec son soucis du détail, et qui ne partageait pas forcément l’enthousiasme de tous ?
-Et bien, avec cette paye, je double le budget du cirque et je triple les salaires de tous!
Une clameur sans précédents dans le cirque se fit entendre! Du travail aussi bien payé pendant un mois! C’était inespéré si on repense à la situation du cirque quelques mois plus tôt. Manuella était maintenant la seule à froncer les sourcils car même Anoushka semblait plus convaincue. Elle se leva lentement et s’avança vers Firmin. Tout le monde la regarda surpris.
-Attends, dit-elle... Firmin.. Qu’est-ce qui cloche ? Je sens.. Quelque chose sur cet endroit...
Firmin se tourna vers Marie car il connaissait aussi ses dons pour la voyance. Celle-ci était impassible.
-Essaie pas de me faire peur, Manuella, dit-il, tout va bien et cet endroit est parfait. C’est à quelques kilomètres au sud de Tours. On part demain dans la matinée. Il faut donc démonter le chapiteau ce soir. D’autres questions ? Je vous ai même pas demandé si vous acceptiez ce contrat ?
Il y eut quelques rires car évidemment, tout le monde acceptait.
-Très bien, dit Firmin. Je rappelle le chatelain pour confirmer.

SARAH
Sarah rougit légèrement lorsque Firmin la présenta à la troupe et que tout le monde se retourna vers elle. Ca y est, se dit-elle, je fais officiellement partie du cirque. Assise en tailleur à côté d'elle, la petite Amélie lui envoya un sourire radieux. Une vraie petite fée... Mais soudain, l'un des phrases prononcées par le directeur du cirque lui revint en mémoire. Il avait dit que c'était la première fois qu'elle travaillait dans un cirque ! C'était la vérité, mais comment était-il au courant ? Sarah lui avait fait croire que c'était son deuxième emploi dans ce secteur... Sûrement Manuella, cette vieille sorcière avait dû lui dire. Ca lui donnait la chair de poule. Elle était si étrange, cette gitane ! Et puis, elle lui avait fait une prédiction vraiment bizarre. Sarah ne voulait pas croire à tout ça, cette magie, mais elle devait bien avouer que tous au cirque semblait respecter Manuella, et Amélie lui avait même confié que "c'était une vraie magicienne, pas comme dans les contes, une vraie"... En tous cas, elle préférait se méfier d'elle. Heureusement qu'elle n'avait pas partagé sa roulotte !
Tout en observant Manuella du coin de l'oeil, elle écoutait Firmin annoncer les autres nouveaux venus. Il y avait un certain El Maestro, qui avait un visage impénétrable, un magicien... enfin, pas comme Manuella, il faisait des tours de passe-passe. Le monsieur muscle avec qui il logeait avait l'air gentil, il avait un sourire très doux en contradiction avec sa musculature à en faire peur. Et puis une certaine Jojo devait arriver. Deux mètres... ça doit être difficile dans une roulotte étroite ! Sarah fut soudain ravie de son mètre soixante-dix.
Et puis Firmin annonça leur prochain départ. Un mois... le labyrinthe... Elle se mit à imaginer à toute vitesse la manière dont elle pourrait exécuter les numéros qu'elle connaissait déjà. Il faudrait faire un roulement entre Opium et Libellule, afin qu'ils ne soient pas trop fatigués pour la représentation du soir... et puis il lui faudrait un costume, et un harnachement coloré pour ses chevaux... et...

La réunion était finie, et tout le monde commença à manger. Deux femmes s'occupaient de la cuisine, cétait rudement bon, d'ailleurs. L'une d'elle boîtait. Elle avait l'air triste, elle aussi. Tout comme l'autre, même si cette dernière avait l'air moins marquée par la vie. Mais que s'était-il passé dans ce cirque, tout le monde avait l'air de revenir des Enfers ! Quel Styx avaient-ils donc traversé pour avoir ce regard hagard ?
Tout en mangeant, la jeune écuyère regardait autour d'elle. Amélie, assise à sa droite, babillait gaiement. Elle était vraiment adorable. Manuella mangeait seule, mais apparemment ce n'étaient pas les autres qui l'avaient mise à l'écart, non, elle avait l'air de s'être isolée volontairement. Miguel Maestro parlait avec monsieur muscle. Un groupe de trois hommes mangeaient ensemble. Sarah reconnut celui qu'elle avait salué le matin même. Qu'il était étrange ! Les deux autres avaient l'air sympathique. Une famille au grand complet était assise non loin d'elle, ainsi que deux trapézistes encore en costume de répétition. La jeune fille qui était avec eux avait l'air plutôt gentille. Elle devaient avoir à peu près le même âge toutes les deux. Elles échangèrent un sourire timide. Firmin, lui, vint s'installer près d'Amélie. Sarah se joignit à leur conversation, bientôt suivie par deux clowns qui se présentèrent : Pedro et Elysabeth, avec un y, précisa-t-elle.
Elle se sentait bien ici. Elle était sûre qu'elle allait se plaire au cirque Zindero.

JOJO
Jojo touche le plafond ... du wagon.
" jojo c’est moi je suis grande et pourquoi pas ! ! !
Jojo c’est peut-être joëlle ou joséphine qui le diras
La laalalaa laaala "

-vos billets s’il vous plait
-oui attendez ils sont dans mon sac … attendez euh ! non ça c’est don Quichot le premier tome, euh je les ai ! vous en faites pas … mais mon sac est trop petit pour tout ce que j’ai a y mettre alors … ah ahahah non c’est pas lui non plus ça c’est la carte de France je ne pars jamais sans elle au cas ou je me serai trompée de région… AH les voilàààà ! tenez.
-CLIC CLIC (bruit du poinçonnage) je vous souhaite un bon voyage madame !
-vous de même Monsieur le contrôleur !

AH LALALALA je suis en forme, même les contrôleurs gazouillent ou bien est-ce le chant du poinçonneur … " j’suis l ’poinçonneur des lilas, le gars qu’on voit mais qu’on ne regarde pas … la alllaaa lalalèèère. "
J’ai le nez sur la vitre et je regarde passer les vaches je regarde passer les villes, je regarde passer mon passé, sans réellement y penser… oh mais qui je vois lààà ; c’est moi ce reflet dans la vitre, oui c’est bien moi, oh je suis pas trop mal pour une fille de cirque, pour une sur-dimentionnée, si on me voit assise je passe très honnêtement … pas inaperçue, enfin on peut très bien me regarder sans avoir peur que le mat ne se casse a la moindre tempête ; j’ai bien fait de me couper un peu les cheveux, ils bouclent d’avantage, ca fait genre naturelle. J’aime bien aussi mes yeux noisette, non,pas noisette, allez! caramel, pas caramel mou, pas caramel dure, caramel sur le gâteau de riz ! Oui ! franchement je me trouve pas si mal que ça, et puis surtout je ne marche plus a quatre pattes comme a 15 ans, j’me rappelle de tout les surnoms de merde dont on m’affublait même affectueusement ..mais je préfère ne pas y penser, je pourrais bien m’énerver, j’aime pas trop m’énerver, je me vide de tout les côtés, c’est dans ces cas là que je me sens trop surdimentionée. Non je préfère me rappeler de ce que me disait a l’oreille mon Plili " tu es majestueuse " c’est beau ! ah lalalalaala c’était le bon temps … BON ……….. c’est mon tour de descendre sur le quai, c’est mon tour …eh oui les p’tits gars j’ai même pas besoin de faire les pointes pour prendre mon paquetage… eh oui ! c’est comme ça ! comment ma tête touche le plafond ! ! ! j’me marre… C’est mon tour de descendre sur le quai, c’est mon tour….
Quand je repense a la tête de Mr Troublion , oh la tête de Mr Troublion coincée entre mes cuisses, je ris , certain paierait sûrement pour avoir leur tête entre mes cuisses… mais là pas vraiment …. Mes cuisses c’est tout un roman, les misérables a côté n’ont qu’a bien se tenir ! En tout cas ça a marché le coup de l’envol (sans e on est bien d’accord mes amis) ! En cabriolant dans son petit bureau étriqué j’ai vraiment réalisé a quel point j’aime ce métier. J’aime le cirque, j’ai vraiment réalisé que ma place était dans se monde là, et pas dans cette vie stable et sans mouvement ! " moi j’m’en balanceeueueueueu ! … J’ai mon solde de tout compteuuuu, des p’tites économies, pour voire venir la vieeeeeeee "
Ou je suis là, Mr Firmin m’a dit qu’une fois sortie de la gare il fallait que j’aille en direction de l’hôtel de ville et qu’ à 300 mètres, tout droit, dans le près je ne pourrais pas rater les caravanes. Qu’est-ce que ça sent bon ici c’est autre chose que l’herbe du stade !
Et puis Mr Firmin m’a dit que ma place était prête, je vais partager une caravane avec une jeune clown, ah les clowns ! ! ! ce sont des êtres uniques, ils portent un masque sans le cacher a quiconque, en plus il paraît que Préssilia non c’est pas son prénom euh ….Cécile non plus …. EUH … oui je me souviens un bien joli prénom Elysabeth . Elysabeth me voilààààààààààààààà ! ! ! j’te promets je suis grande mais je prendrais juste la place qu’il faut !
Me voilà DEVANT l’hôtel de ville, et et et ! ! ! j’apercois les caravanes …. J’ai le trac ! ! ! mais qu’est-ce que c’est bon ! j’entre en scène, j’entre dans mon histoire, dans la votre …Heureusement que Mr Firmin m’a un peu raconter les personnes de son cirque… ZUT comment s’appelle Mr muscle… Papou … non ça c’est l’âne … OH et puis je verrais bien Mr Firmin m’a raconté l’essentiel a moi de vivre le reste….

Osez osez joséphine…. LA lalalalala lalalalalalaaaa !….

ELYSABETH
Jojo est arrivée tard dans la soirée. Je n’étais pas encore couchée. C’est sûr qu’à force de faire des siestes, je suis en pleine forme jusqu’à tard le soir!!

De toutes façons, je la guettais. C’est Firmin qui l’a dirigée jusqu’à ma caravane. Je sais que lui préfèrerait dire roulotte mais je vois pas trop la différence entre ma "roulotte" et une caravane. Celle de Manuella, à la rigueur.

On a discuté un peu, je lui ai parlé d’un peu tous les personnages du cirque. Elle s’embrouillait dans les noms et on a pu bien rigoler.

Ce matin, comme prévu, on a pris la route. C’est tout Firmin, ça. Il prend une décision et dès le lendemain il l’applique!

Tous les gens du cirque n’ont pas l’air de trouver ce départ précipitée. Sans doute l’habitude.

Le chapiteau avait été démonté la veille. Heureusement qu’Arthur était là pour ça, d’ailleurs. Fred et Luc, qui m’ont appris à jongler, aident le mieux possible mais ils ne sont pas très doué non plus. Jojo a fait connaissance avec tout le monde. Je l’ai accompagnée un peu partout. Je crois qu’on s’entend vraiment bien. Elle pourrait faire une très bonne clown. Faut que je vois avec Pedro mais il pourrait être amusant de la faire participer à un de nos numéros. Après tout, la moitié du cirque participe à nos numéros! Ou c’est plutôt qui nous incrustons dans leurs numéros.

Ce matin, donc, on est parti assez tôt. C’est moi qui conduit, avec la caravane derrière. Devant nous, il y a Anoushka au volant, Caroline et Amélie et derrière, il y a Michelle et Youri au volant. Depuis que je suis arrivée, j’ai pas trop eu l’occasion de discuter avec eux. Ils sont très réservés, souvent en retrait. Ce midi, quand on s’est arrété, j’ai essayé de discuter avec eux. Ils ont surtout répondu à mes questions, en fait. On roule pas vite. Firmin a dit qu’on s’arrétait ce soir vers 18 heures.

Vivement demain!! J’attends de voir ce labyrinthe. Quelle bonne idée, d’ailleurs. Et quelles immenses possibilités s’offrent à nous!!

J’ai déjà plein d’idées de mises en scène! C’est mon côté actrice qui reprend le dessus! Je crée des rôles dans ma tête pour un peu tout le monde. J’imagine des manières d’occuper le terrain.

Toutes ces idées, on verra quand on sera là-bas.

Jojo a l’air fatiguée. Il faut qu’elle reprenne le rythme du cirque. Elle m’a un peu expliquée ce qu’elle faisait depuis qu’elle avait arrété le cirque. Pas très très intéressant en effet. Elle a bien fait de changer.

Je vais mettre la radio, doucement. Ca va nous faire écouter de la musique.

MANUELLA
La route serpentait au milieu d’ une forêt dense .
Les caravanes du cirque , en rangs d’ oignons , cheminaient à petite allure sur la départementale .
Firmin, en tête du cortège , au volant de sa mercedes, tirait sa caravane et surveillait constamment dans le rétroviseur le ruban de voitures qui le suivait .
Il n’ allait pas tarder à arrêter le convoi pour une petite pause bien méritée …Son regard scrutait le bord de la route à la découverte d’ un chemin de traverse .
Il faisait chaud et la fatigue commençait à se faire sentir ; un petit goûter à l’ ombre de grands arbres permettrait à chacun de se rafraîchir et de se dégourdir les jambes !

A l’ arrière de la voiture , Manuella somnolait ( ou faisait semblant, pour ne pas avoir à parler ! pensa Firmin ) . Ce mutisme inhabituel de sa part ( oui , en général , c’ était un vrai moulin à paroles difficile à arrêter et elle était plutôt soûlante au bout d’ un moment ! ), ce mutisme indiquait sans conteste , que Manuella était très contrariée …
Firmin ne tenait pas pour le moment à éclaircir la situation ; il voulait " positiver " et ne voulait surtout pas que l’ on mette un frein au but qu’ il s’ était fixé : le contrat au château de Vassiers était une opportunité inespérée qui allait remettre le cirque enfin sur pieds . Alors … les pressentiments de Manuella …
Son but premier : arriver là-bas , ensuite on aviserait ! …Cependant , les réticences de la gitane , inquiétaient Firmin car il savait qu’ elle se trompait rarement sur ce qui était plus que des pressentiments… mais le pire , il l’ avait déjà subi et ce qui pouvait arriver pendant leur séjour au château ne pouvait pas être aussi dramatique que tout ce qui s’ était produit ces derniers mois …
Manuella ouvrit un œil et surprit le regard de Firmin dans le rétroviseur, regard qu’ elle soutint avec une telle intensité que celui – ci en ressentit le reproche et l’ avertissement :ce regard lui donna le frisson …
Puis elle se redressa fièrement sur son siège …sans desserrer les dents … !
Elle se pencha sur Amélie pour bouger la petite qui s’ était endormie sur ses genoux .
La petite fille lui tenait chaud mais elle n’ osait pas la déplacer de peur de la réveiller .
C’ était la première fois que cette enfant s’ abandonnait en toute confiance dans ses bras .
L’ inconscience dans le sommeil , sans doute …
Comme deux aimants , chacune d’ elle était attirée vers l’ autre mais toujours demeurait une sorte de frontière que ni l’ une ni l’ autre ne voulait franchir …ou n’ osait franchir .
Amélie dormait d’ un sommeil si innocent , son Doudou serré contre elle , que la jeune femme sentit un énorme sentiment d’ amour la submerger . Attendrie , doucement , elle caressa l’ épaisse chevelure noire et bouclée , relevée en queue de cheval ,.
_ " Qu’elle est belle ma pitchoune , ma petite princesse , j’ y tiens comme à la prunelle de mes yeux ! Si elle savait … " murmura Manuella en secouant la tête et en dirigeant ses pensées de l’ autre côté de la vitre , le sourcil froncé .
_ " Là ! Papa ! Arrête – toi ! C’ est l’ endroit idéal pour faire une pause ! " s’ écria soudain Anouschka assise près de son père .
A l’ orée du bois , une petite prairie s’ étendait entre ombre et soleil …
Firmin fit signe à la troupe de se garer le long du chemin .
Comme une nuée d’ oiseaux , tous prirent possession de l’ emplacement .
Les frères Silic et David apportèrent les bouteilles de jus d’ orange.
_ " Qui veut pppp …bbbb qui bbbb boi .. boire ? " proposa David rouge comme une tomate .Caroline entreprit de découper les tartes aux myrtilles qu’ elle avait confectionnées la veille avec Anouschka .
Chacun s’ égayait dans la prairie , papotait , riait aux éclats , dans une ambiance de détente .
Amélie , grognon, la fatigue aidant , retrouva vite le sourire en attaquant à pleines dents sa part de tarte . Elle se mit à chahuter avec Sarah et toutes les deux se poursuivaient en riant et criant .
Manuella assise au pied d’ un arbre , un peu à l’ écart , observait de loin la petite troupe.
Son attention s’ arrêta sur Sarah qui jouait avec Amélie .
__ " Gentille et jolie , cette jeune fille … mais elle cache quelque chose … Elle n’ a jamais fait partie d’ un cirque et a menti à Firmin ; ça c’ est certain , je l’ ai vu dans sa main ! Tout comme j’ ai eu la vision d’ elle , toute petite , au milieu de chevaux , dans un ranch … alors , c’ est sûr , les chevaux elle les connaît bien …mais elle a fui cet univers … elle a fugué à cause de quelqu’un … et ce quelqu’ un lui veut du mal … Cette petite est en danger … je le sens ! Il faut que j’ affine la question car il ne faut pas que Firmin aie des ennuis à cause d’ elle ! "
Elle arrêta là ses pensées en voyant Marie se diriger vers elle . La fille du cracheur de feu était timide et manuella semblait l’ impressionner .
Marie s’ assit à côté de la gitane .
Manuella avait toujours décelé le don chez la gamine et savait que ce don la terrifiait…
Intimidée , Marie osa parler :
__ " Manuella , comme toi , j’ ai un mauvais pressentiment … J’ ai fait un cauchemar cette nuit … et j’ ai peur , très peur de ce déplacement … mais je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas ce qui va arriver mais c’ est pas bon … " confia la jeune fille
__ " Petite tu dois contrôler ton appréhension, ta peur : ce qui doit arriver , de toute façon arrivera… Tu n’ y peux rien … Tout ce que tu peux faire c’ est apprendre à apprivoiser ta peur . Quand tu sauras manipuler les tarots ou la boule de cristal ou n’ importe quel autre support , et que tu sauras à l’ avance ce qui va se passer , tu pourras être armée pour affronter ces choses…Tu ne pourras pas empêcher le destin de faire son œuvre , mais tu pourras peut-être en atténuer les effets néfastes . Tu es encore très jeune , mais petit à petit , j’ essaierai de t’ apprendre les ficelles de mon métier car tu as le don , c’ est certain ! … "
__ " Oh ! Oui ! Manuella , je rêve de devenir diseuse de bonne aventure comme toi mais je n’ ose le dire à personne , et en même temps ça me fait tellement peur !…Tu veux bien me montrer alors ??!!! " s’ écria Marie en lui claquant un baiser sonore sur la joue .
__ " Oui , oui , mais j’ ai dit doucement ! On ne devient pas voyante du jour au lendemain !
Allez ! Ouste ! On en reparla plus tard ! En attendant , il faut remonter dans les voitures , Firmin a déjà donné le signal du départ ! "
Manuella chercha du regard Amélie … Elle avait rejoint sa mère qui semblait encore la houspiller … Anouschka n’ avait décidément aucune patience avec cette petite …Elle avait oublié qu’ elle avait été petite aussi ? … et qu’ elle était encore maintenant restée une gamine capricieuse ! Pffff ! on aurait dit qu’ elle reprochait à sa fille d’être née !!…Comme si c’ était la faute d’ Amélie si son père était parti ! Si Ronaldo avait quitté Anouschka , c’ est parce que celle- ci lui avait rendu la vie impossible avec ses caprices et son égoisme ! Ronaldo , à cause d’ elle souffrait le martyre d’ être loin de sa fille …Quel malheur !…
Manuella se passa la main sur le front comme pour effacer de mauvais souvenirs ; elle renoua le foulard autour de ses cheveux, releva fièrement la tête et s’ engouffra dans la voiture qui n’ attendait plus qu’ elle pour démarrer . …

ANOUSHKA
Et oui ! Retour au journal ! Quand je dis que je ne ferai " jamais " quelque chose, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Ça veut juste dire que je le ferai pas immédiatement. Je m’y remets donc. Enfin, je m’y " remets ", ou je " recommence " ? Je suis trop fatiguée pour me poser ce genre de questions métaphysiques, alors si ça vous dérange pas, je vais sauter les formes et les trucs pas totalement indispensables. Bien sûr que ça ne vous dérange pas, vous n’existez même pas ! Un journal intime, on est pas censé le faire lire, aux dernières nouvelles ! Sauf si je le publie, que c’est un best-seller qui culmine aux palmarès des meilleures ventes, et que je deviens multimilliardaire. A creuser ça. Je vais donc retirer la phrase " vous n’existez même pas " et la remplacer par quelque chose qui sonne mieux… genre…euh… " Très cher lecteur adoré, envoyez-moi vos chèques à l’adresse qui suit ". Je suis débile, je n’ai plus d’adresse.

On est parti. Je passerai sur l’enthousiasme des troupes que, malgré mes efforts, je n’arrive pas à partager réellement. Bien sûr que c’est génial pour le cirque, mais faut avouer que j’espérais un peu qu’une telle proposition tarderait le maximum à venir. Je n’ai pas envie que ça recommence. La raison la plus avouable, c’est que je suis terrorisée. Terrorisée à l’idée qu’une catastrophe puisse se reproduire. Je devrais pas dire ça, ça porte malheur. Paniquée aussi en pensant à l’envie qu’Amélie pourrait ressentir en les voyant exécuter leurs numéros en public. L’envie de les imiter… Un désir que je ne comprends pas, mais que je redoute plus que tout. Je ne veux pas de ça pour elle. Jamais. Et puis, il y a aussi ma vision égoïste des choses. Je vais me retrouver toute seule. Les autres vont faire leur boulot, et je retrouverai ma place de bonne à rien. Ce n’est pas ce qu’ils pensent qui me gêne. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent et même comploter derrière mon dos, ça me passe au-dessus de la tête. Non, mais l’échec de ma vie va me revenir en pleine figure, et je sens déjà que ça va faire mal. Parmi les naufragés de ce navire en perdition, je me sentais un peu moins seule. Et puis, que va penser Amélie en réalisant que sa mère ne fait rien ? Quand elle était petite, c’était plus facile, mais là… Elle n’a pas sa langue dans sa poche, alors je me demande bien ce que je lui répondrai le jour où elle me demandera ce que je fais comme travail. Enfin…

C’est drôle, quand j’étais gamine, chaque départ était un arrachement terrible. Je pleurais en suppliant d’avoir une vie normale, avec une maison, une école, des copines et un amoureux. Aujourd’hui, ça ne m’a fait ni chaud ni froid de voir tout le monde plier bagage.

Je me trompe. Ça m’a quand même fait de la peine de voir David si désespéré de ne pouvoir aidé au dépliage et au rangement. Il y a des moments où je me dis qu’on doit ressentir la même chose lui et moi, se sentir inutile. Je l’ai pris par le bras et je l’ai entraîné en prétextant que j’avais besoin de lui pour des courses de dernière minute. Ce qui est bien chez lui, c’est que même quand je raconte n’importe quoi, il ne me le fait pas remarquer. C’est très appréciable. C’est sûrement avec lui que je vais rester quand les autres seront en représentation, alors autant qu’il ne me déteste pas fondamentalement. Je me demande ce qu’il sait de moi. Personne ne parle jamais de certaines choses me concernant, mais j’ai l’impression que ce que je ne dis pas, c’est pas franchement difficile de le deviner. Je suis bien consciente que je me décompose chaque fois que je vois les couples manger avec leurs enfants, ou simplement s’embrasser. Amélie doit sentir que je vais mal, elle s’approche par derrière et me met les mains sur les yeux. Elle est tellement adorable. La vie est injuste. Je ne sais pas si j’aurais mérité d’être plus heureuse, mais s’acharner ainsi sur elle…

Les préparatifs du voyage se sont donc faits sans moi, comme d’hab’. J’ai pas la carrure pour porter quoique ce soit. Avec David, après des emplettes finalement pas si fictives que ça, on s’est assis sur un banc en regardant la ville qu’on allait quitter. Il a dû croire que j’étais plus triste que le reste du temps, et il m’a pris par les épaules. Ou alors, il a seulement voulu remplacer les mots qui lui manquent si souvent. On fait un couple marrant, moi qui parle au point que personne ne peut en placer une, et lui qui reste de marbre. Plus sérieusement, c’est dans des moments comme ça que je réalise qu’en plus de perpétuellement triste, je dois paraître fragile. Quand je revenais de pension pour les vacances, mes parents me regardaient, se demandant quand j’allais me décider à grandir. Faut croire que j’ai définitivement eu la flemme. Je m’en fous. Je dirais même que ça m’amuse un peu. A côté de la fille qui vient d’arriver (son nom, je ne m’aventurerais pas à jurer que je l’ai retenu) et qui doit avoisiner les… j’en sais rien exactement, mais elle est très grand quoi.

Les nouveaux ont l’air sympas. Comme les autres en somme. Pas exactement le genre de gens avec qui je voudrais vivre, mais je ne peux pas le leur reprocher, on n’est pas sur la même planète.

Bon, c’est pas tout ça, c’est super de sombrer dans le mélodramatique, mais faut que j’aille préparer Amélie pour la nuit. La vie de bohême c’est cool, mais il reste qu’à son âge, on prend un bain tout les soirs, et je me demande bien si y a l’eau courante ici. Et puis elle a une longue journée devant elle demain, alors une nuit de sommeil ne serait pas du luxe.

PAPOU
Enfin , on s'arrête un peu , s'ils pensent que ça m'amuse de taper des sabots dans la porte!!!
Ils ne m'ont rien dit mais je le sentais , qu'on allait partir...La dernière fois, c'était....je ne sais plus!!
Il paraît que je n'ai pas la notion du temps, c'est vrai je n'ai pas de montre et il faut même dire que je m'en fous de leur mesure du temps, de leur espace de temps, de leur temps de cuisson!
Le seul temps qui m'intéresse c'est le printemps, lorsque l'herbe devient grasse et que je roule dedans comme dessus...comme s'il s'agissait de la peau d'une ânesse, du lait d'une ânesse....
Ah!!!une ânesse si Monsieur Firmin pouvait y penser...peut être que là, je pourrais retrouver la mémoire car une fois, il y a bien longtemps...c'était ...je ne sais plus! Mais c'était le printemps, l'herbe grasse, les fleurs odorantes et agichantes, les arbres en folie....

JOJO
Ma première nuit en roulotte, je préfère dire roulotte .. J'aime bien ! Caravane ça me fait penser aux touristes, et je ne me sens pas touriste mais voyageuse. Elysabeth est super, elle m'a fait rire normal c'est une clown, j'ai bien aimé sa perception de nos compagnons de voyage, j'ai bien aimé ses descriptions emplies de mimiques pour chacun d'eux, elle est vraiment naturelle très acceuillante, et oui je serais bien partante pour un numéro avec les clowns, Pedro sympa même si il oublie d'enlever son nez rouge, reprendre les répétitions, créer un nouveau numéro, discuter le soir jusqu'à ce que tous nous y trouvions notre compte. ah la vie est belle ! bella vista ! ! !
oui je disais ma première nuit en roulotte et puis ma première matinée sur les routes cahin caha, et puis mon premier pic-nique, ils m'ont tous mis au jus très vite. Manuella elle n'en est pas encore revenue de la taille de mes mains, elle aurait bien aimé voire mes paumes, mai mon avenir m'appartient lui ai-je dis gentillement, elle est rigolotte manuella, qu'elle curieuse, un peu psy aussi, il faut bien, ça fait partie de la boulle de christalle des vrais voyantes, une bonne dose d'intuition, une pincée d'instinct, et si possible un don de perception. Je crois qu'elle a tous ça ! ! ! alors si je lui montre ma main elle serait bien capable de voire ma vie, et moi j'ai envie de la découvrir au fur et à mesure. prudence jojo, prudence mère de tout mes vices de forme. J'sais pas pourquoi mais j'ai un petit faible pour la maman d'Amélie, elle me semble si enfant, j'ai le sentiment qu'elle ne se sent pas a sa place, mais c'est une très belle personne, et comme elle aime sa petite fille, y'a juste que .
BON je verrais bien je vais pas commencer a chappoter, je ne m'appelle pas Manuella mais jojo ET c'est un sacrée morceau .ah oui et le magicien euh comment déjà miguel quel au lui aussi il aurait pu faire clown, surtout quand il parle a son âne papi, popi, un truc comme ça ; ; ; il fait les questions et les réponses et la tête de l'âne, oh je suis sûre qu'il ferait un numéro d'enfer tout les deux !
JE suis contente aussi parce que j'ai trouvé Mr ARTHUR (martin hahahahahaha) très cool et au moins lui je sais qu'il pourra toujours me porter si jamais je me cassais une guibole. Et puis y'a la petite Amélie, je vais enfin pouvoir raconter a des oreilles attentivent l'histoire de la sorcière de la rue Mouftar " sorcière, sorcière montre mooiiii ton derriè.. " Amélie m'arrive aux genoux, elle m'a demandé si il faisait beau la-haut et je luis ai répondu prépare ton parapluie il va pleuvoir, et j'ai postillonné tout ce que je savais, elle a rigolé, et moi j'ai bien crue que j'avais 10 ans et demi. ah c'est beau la vie.
- ah excusez moi monsieur Firmin je ne vous avez pas entendu je me rematter le film de la journée.
- oui jojo, je voulais savoir si vous pouviez me donnez votre n° de sécu, c'est pour les papiers
- certainement.
- C'est pas a la minute pour demain ça ira !
- Ok dac
- Ah et puis ne m'appelez pas Monsieur Firmin, j'ai l'impression d'être le majordome du Capitaine Haddoch ahahaha ! !
- OK dac MHUM hum Firmin !
- ET puis dans les prochaines heures je voudrais bien que vous nous fassiez une petite démonstration de vos numéros.
- j'y compte bien, humhum firmin, ayé j'ai le trac ! ! ! non ça va être cool !
- Que cela ne vous empêche pas de dormir Melle jojo (sourire) Alors a demain !
- Bonsoir Firmin et encore merci
- Ne me remercier pas j'ai aussi besoin de vous que vous de moi. pourvu qu'ça dure comme dit l'autre.

MIGUEL
Depuis deux jours nous avions pris la route, direction un château inconnu, pour une animation plus que spéciale. Certains d’entre nous, et notamment Manuella, flairaient une embrouille quelconque. Cela m’importait peu.
Je devrai quand même me méfier d’elle à l’avenir. Elle semble réellement avoir un don, contrairement à bon nombre de charlatans qu’il m’avait déjà été donné de rencontrer.
Nous avions quitté la ville pour nous engager en convoi par des petites routes de campagne. Je me sentais de mieux en mieux. L’air de la ville me pesait, m’abrutissait, m’assombrissait. Je lui préférais de loin les bonnes odeurs qui émanaient des champs fleuris qui bordaient notre chemin.
Firmin avait décidé que je devais partagé la roulotte d’Arthur, le monsieur muscle de la troupe. Depuis le départ, il n’était pas très causant, cela tombait bien je n’avais pas beaucoup envie de parler non plus. Mais nous arrivions quand même à échanger une phrase de temps en temps.
Pourtant, hier soir, dans la roulotte, il s’était lâché. Il m’avait raconté sa vie d’homme fort, provoquant l’étonnement des petits et des grands, de foire en foire.
Bien entendu, je me fis le plus discret possible sur mon passé. De toute façon, il ne m’entendait guère. Il préférait parler de lui. Alors je l’écoutais. Je me souviens encore cependant de la fin de notre discussion de la veille. Elle m’avait profondément marqué...

..." Vois-tu Miguel, je peux t’appeler Miguel n’est ce pas ? "
" Bien sûr !, quelle question ! "
" Vois-tu Miguel, j’adore cette vie. Je ne désirerais changer de métier pour rien au monde. "
" C’est sans doute notre cas à toutes et à tous ici. "
" Oui mais pourtant... "
" Pourtant ? "
" Pourtant..., parfois..., j’aimerais tant avoir une maison. Un vrai chez moi où je pourrais rentrer le soir. Pouvoir m’isoler de tout ça. Avoir une vrai maison, rien qu’à moi, tu vois ? "
" Je m’en doutais. Cela ne te plaît pas de devoir partager la roulotte avec moi. Si tu veux, je peux en parler à Firmin, il... " "
" Non !, non !, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je voulais parler d’une vie de sédentaire, comme les gens qui viennent nous voir tous les soirs. "
" Tu t’ennuierais Arthur, cette vie là n’est pas faite pour nous. "
" Peut-être, peut-être. " fit-il dubitatif.
" Le cirque c’est une vrai famille, Arthur. En cas de coup dur on se serre les coudes. Tu peux toujours compter sur le soutien de chacun d’entre nous. Cela, tu ne le retrouvera jamais chez les gens de la ville. "
" Je sais, je sais, mais... "
" Qu’est-ce qui te manque Arthur ? "
" Des fois..., des fois je rêve que j’ai un vrai foyer, une femme affectueuse qui m’attend le soir et qui m’a préparé un bon petit repas. Des enfants qui courent dans le jardin et qui viennent me faire une bise avant d’aller se coucher. Je rêve que je m’assoie sur le bord de leur lit et que je leur raconte des histoires, de cirque bien sûr ! Et puis..., et puis le marchand de sable passe et je les regarde tendrement endormis. Parfois..., parfois je rêve... d’affection. "
" Mais n’es-tu pas entouré d’affection ici ? "
" Si, si, bien sûr, mais... ce n’est pas pareil. "

Mes yeux rougissaient, ma mémoire mélangeait des images au récit d’Arthur. Je me suis frotté les yeux pour lui masquer mon trouble.

" ça ne va pas Miguel ? " me demanda-t-il.
" Oh, ce n’est rien j’ai du prendre une poussière dans l’œil. Cela va déjà mieux. Il est temps de nous coucher, ne crois-tu pas ? demain nous avons de la route à faire. "
" Tu as raison, bonne nuit Miguel. "
" Bonne nuit Arthur. "

Et j’avais rajouté tout bas sans qu’il ne m’entende :
" bonne nuit ... et fait de beaux rêves. "...

...en y repensant aujourd’hui, mes yeux s’étaient humidifiés de nouveau. Arthur le remarqua.

" Toujours cette poussière ? " me demanda-t-il.
" Oui, mais cette fois-ci je crois que c’est bon. Elle est définitivement partie. "

La roulotte de Firmin était en tête. Elle venait de s’arrêter. Nous ne pouvions être déjà arrivé. Nous allions déjeuner sur l’herbe. Le temps était superbe. Les oiseaux gazouillaient. Les grillons nous accompagnaient de leurs chants.
Amélie avait sortit Papou. Il courraient dans le champs en s’amusant. Caroline et Anoushka installaient des nappes à carreaux sur le pré. David ne ménageait pas sa peine. Il faudra bien qu’à un moment donné j’ai une petite conversation avec lui. Avec mes talents d’hypnotiseur, je peux peut-être l’aider à se débarrasser de son handicap.
Sarah s’occupait d’Opium et Libellule. La grande Jojo riait à gorge déployée et ses éclats de rire retombaient en feu d’artifice telles des poussières d’étoiles sur notre petite troupe. Chacun s’activait en sifflotant.
Comme la vie est belle quand elle est simplement vécue...

AMELIE
Rouler, rouler, moi, au bout d'un moment ça me fait tourner l'estomac... alors je dors.
C'est comme ça chaque fois qu'on doit s'en aller avec le cirque.
Maman, ça l'énerve un peu que l'on doive s'arrêter rien que pour moi, à cause de mon estomac. Elle comprend pas et elle croit que je fais des manières.
Firmin il dit que j'ai le mal de l'air, mais c'est pas ça du tout, j'ai le mal de rouler c'est tout!
Hier, j'ai rencontré plein de nouveaux qui vont faire partie du cirque. D'abord, il y a Monsieur Miguel.
Monsieur Miguel est un super magicien! Il a pas vraiment voulu me le dire, mais j'ai deviné quand-même... Le coup de l'oeuf de Papou et les bonbons qui coulent de son nez, ça ce sont des trucs de magicien! Moi, j'ai pas voulu lui dire que j'avais tout découvert, ça l'aurait peut-être vexé, alors j'ai fait comme si de rien n'était, comme si c'était logique de trouver un oeuf dans la bouche de Papou ou un bonbon dans le nez de Monsieur Miguel!... Et puis, faut bien dire ce qui est, moi les bonbons, j'adore!

Il y a aussi Jojo.
Jojo, c'est la plus grande des grandes personnes que j'ai rencontré! Elle est immense! Comme son sourire!
Elle rit tout le temps et elle chante aussi tout le temps. Des fois, je la regarde sans qu'elle me voit, "en coin", comme dirait maman. Je la trouve super parce qu'elle ressemble à personne! C'est quelqu'un qu'a pas peur de rire quand elle en a envie, et de parler fort aussi. Je suis sûre que maman doit la trouver un peu trop "spéciale".
Pour le moment, Jojo, elle a pas l'air de faire attention à moi... c'est peut-être parce que je suis trop petite pour elle?... Mais ça fait rien, elle finira bien par me remarquer et alors peut-être qu'elle voudra bien me donner un peu de son rire?...

Pendant le voyage, je me suis endormie sur Manuella. C'est pas souvent que ça m'arrive. Manuella c'est vraiment une magicienne. J'étais dans mon rêve et tout à coup j'ai senti comme un petit vent tout doux dans mes cheveux. J'ai quitté mon rêve et j'ai rouvert mes yeux. Le vent tout doux dans mes cheveux, c'était la main de Manuella! J'ai fait semblant de dormir. Peut-être qu'en posant sa main de magicienne sur mes cheveux, Manuella, elle m'a donné un peu de sa magie? Ce soir, j'essaierai de regarder dans la main de Doudou pour voir si moi aussi je devine son futur... On sait jamais.


ERNESTO
Arr-grrr!! Caramba, j'ai une de ces faims... de celles qui vous font penser que c'est la fin!
Si ça continu, j'vais tomber dans les pommes, et moi les pommes... j'aime pas ça!
Arr-grrr, j'boufferai un éléphant!! Mais ya pas de risque, dans ce cirque, les seuls animaux exotiques, ce sont nous, los jaguars.
Et on va pas se bouffer entre nous, on n'est pas des sauvages!

Moi, la jungle je ne la connais qu'à travers ce que m'a raconté ma mère quand j'étais petit. Il parait que c'est super, que là-bas on est des rois. Là-bas, tout le monde nous admire et nous respecte. Parait même que des hommes nous vénèrent comme des dieux et rêvent qu'ils sont eux aussi des jaguars.
Oh, j'ai bien failli connaître cette liberté que ma mère chérissait tant, car quand ils l'ont capturée, ma soeur et moi nous étions déjà dans son ventre. Mais nous sommes nés et avons vécu nos deux premières années au zoo.
Ma soeur et moi on aimait bien cet endroit. C'était le bon temps, le temps de l'insouciance, le temps des jeux... On avait un terrain rien que pour nous! j'me rappelle les courses qu'on faisait avec ma soeur et les poursuites qui finissaient toujours par des roulades dans l'herbe... On avait même un arbre pour y grimper dessus et un gros rocher pour se dorer au soleil!
Parfois, Mère se mêlait à nos jeux et nous apprenait quelques "trucs" pour se sortir d'une mauvaise position dans une bagarre, ou pour se rapprocher de sa proie sans se faire remarquer. Elle était vraiment douée pour se rendre "invisible"!
Dommage qu'elle ne jouait pas souvent. Je crois que ça lui rappelait trop Là-bas.
Ca doit être beau Là-bas. Elle nous disait que là-bas on aurait pu courir toute la journée et toute la nuit sans qu'aucune grille nous arrête. Elle disait aussi que là-bas, une vie de jaguar ne suffisait pas pour compter tous les arbres. Que là-bas, les parfums étaient aussi nombreux que les étoiles d'un soir d'été...

Et puis un soir, trop fatiguée de faire inlassablement le tour de l'enclos, elle s'est couchée près de nous sur le rocher. On s'est tous endormis en rêvant de Là-bas... et elle ne s'est jamais réveillée.

Quelques jours plus tard, ils sont venus avec des cages. ils ont mis ma soeur dans l'une et moi dans l'autre et nous sommes partis chacun de notre côté.
Moi, j'ai atterri ici, ça doit bien faire dix ans.

Dix ans que je suis dans cette cage et que j'en sors uniquement pour aller faire le "matou bondissant" dans une autre cage à peine plus grande.
Et j'ai intérêt d'obéir, sinon... le fouet!
Mais je suis patient et un jour... un pas de trop... une seconde d'inattention... et ARRGRRR!!
Comme l'autre steck ambulant qui, une nuit, avait voulu rentrer dans notre cage tout en hurlant je ne sais quoi. Avec Pablo, mon pote de cage, on s'en est foutu plein la gueule. Slup! Rien que d'y repenser, j'en salive!
Mais faut que j'arrête d'y penser, ça m'ouvre encore plus l'appétit et je me fais du mal pour rien. Le soleil est à son zénith et toujours personne pour nous apporter notre repas. C'est sûr, ils nous ont oubliés!

Ah, c'était pas comme ça du temps de "l'autre". C'était un grand chasseur, lui! Tous les matins il partait à l'aube, et jamais je ne l'ai vu revenir bredouille. Ah, de son temps, on mangeait tous les jours au moins!
Et puis, sans aller jusqu'à dire qu'il m'avait réconcilié avec les hommes, je le trouvais sympa.
Et pas parce qu'il était le seul à me gratter partout où ça fait du bien: le dos... le cou et surtout sur la tête! Aaaah, ch'est bon chur la tête... (rrrroon, rrrrrroon). Non, non, enfin... pas seulement, mais aussi à cause de son allure, simple et fière à la fois. Et puis aussi sa démarche légère, souple et assurée... Un peu comme ma mère... c'est peut-être pour ça que je l'aimais bien.
Hélas ça fait bien un an qu'on l'a plus vu.
On ne voit plus grand monde d'ailleurs, ces temps-ci! A part, celui qui vient parler tout seul devant notre cage. je l'écoute pas vraiment, parce que moi, les histoires d'hommes...!
Mais un jour, il me semblait qu'il parlait de "l'autre" alors j'ai tendu l'oreille et j'ai compris qu'il était parti, comme ça, subitement, sans même prendre le temps de dire adieu. J'ai eu l'impression qu'il lui en voulait un peu, en tous cas il avait une drôle de voix cette fois là.
Mais moi je ne lui en veux pas d'être parti, car je sais où il est. A un moment dans son monologue, le bavard a dit: "maintenant que tu es parti Là-bas.."

Quoi? Qu'ouie-je? La cloche! Ils vont bouffer!! ET NOUS? Ils vont m'entendre!
RRARRGGRRR! Eh, Pablo! Réveille toi!
-Mmmm? Keski ya, Ernesto?
-Ils vont bouffer.. Et nous, ceinture!
-Caramba, muchacho! On a vu des révolutions pour moins que ça!

Pablo et moi avons "miaulé" toute une partie de la journée, mais cela n'avait servi à rien. Alors, plutôt que d'user le peu de force qui nous restait, nous nous sommes couchés et endormis.
"qui dort dîne" avait précisé Pablo dans un dernier baillement.
Certes, mais qui n'a pas dîner, à du mal à s'endormir quand il ne s'appelle pas Pablo. Et moi, j'm'appelle Ernesto!
Heureusement pour moi, j'ai une grande volonté. Alors, les pattes sur les oreilles pour essayer de ne plus entendre mon estomac crier: "FAMINE!!", et grâce à une concentration sans faille, je me suis endorm.... Ron, Zzzzz... Ron, Zzzzz...

Mais moi, quand je dors, je ne dors que d'une narine!
A cause de mes pattes sur les oreilles, je n'avais rien entendu, mais dès la moindre brise favorable, je l'ai repérée. J'étais sur mes pattes avant même d'avoir ouvert un oeil. Maintenant, plus de doute, Pablo est réveillé aussi, et s'il y a peu de choses qui peuvent le réveiller, il y en a qu'une qui peut lui faire passer cette lueur de joie dans ses yeux: l'odeur d'une barbaque bien saignante!
Mais, personne à l'horizon. Pendant que Pablo continuait à tourner en rond en se lèchant les babines, je me rapprochais des grilles tout en essayant de mieux déterminer la provenance de cette douce et excitante odeur. C'était tout près, j'en étais sûr, mais où?
La brise m'apporta la réponse. Là! A quelques pas... Un bond tout au plus!
Oui mais voilà, entre elle et nous, il y a ces satanés barreaux. Enfin, c'est ce qui nous semblait, et ce qui aurait dû être. Mais dans notre excitation nous n'avions pas remarqué que la porte de la grille était entre-ouverte.
C'est Pablo qui l'a vu le premier. Je vous l'ai peut-être jamais dit, mais quand il y a de la bouffe en jeu, il est im-bat-ta-ble le Pablo. Moi, ce qui m'a sauvé, ce sont mes réflexes. Grâce à eux Pablo n'a pas eu le temps de tout bouffer avant que j'arrive. Faut dire qu'il y en avait pas lourd. De la qualité, ça je ne peux pas le nier, mais à peine quelques bouchées. Juste de quoi réveiller notre appétit qui pourtant n'en n'avait pas besoin.

Faut bien que je vous l'avoue, trop occupés à chercher un morceau qui nous aurait "échappé", nous nous en sommes pas rendu compte de suite, mais nous étions LIBRE!

Une lune à demie pleine venait de se lever et un petit vent frais l'accompagnait. Les alentours étaient silencieux et la délicieuse odeur flottait encore. Plus loin, quelques bruits étranges et... le hennissement d'un cheval.

Nous échangeons un rapide coup d'oeil, juste pour être sûr que nous pensons la même chose et nous avançons.
C'est ma première chasse "libre". Bien sûr, quand j'étais petit au zoo, ma soeur et moi, on chassaient les quelques rats égarés ou les piafs inconscients qui osaient s'aventurer sur notre territoire, mais là, s'est autre chose! j'en ai des frissons partout.
Ce soir, la clarté de la lune et la longueur des ombres sont parfaites. Alors que nous contournons les endroits trop éclairés, les conseils de ma mère me reviennent à l'esprit: "voir sans être vu, c'est tout l'art de l'approche, et l'approche est l'art de la chasse".
La tête baissée, les oreilles couchées, les pattes légèrement fléchies, Pablo ouvre la marche d'un pas rapide et feutré.
Tout à coup, il s'aplatit et se fige, les yeux rivés vers le chapiteau. C'est le "bavard" qui vient d'apparaître et qui se dirige à l'opposé de nous. Il nous tourne le dos mais il est trop loin et il y a trop de lumière pour espérer le surprendre. Attendons un peu qu'il est fini de marquer son territoire sur un arbre, peut-être qu'il va revenir par ici.
Peine perdue, au lieu de se diriger vers nous, il s'en va droit vers les cages, sûrement pour se parler encore à lui-même.
Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour s'apercevoir de notre "évasion" et le voilà qui hurle comme si on l'égorgeait, alors que nous l'avons même pas touché!
Et aller, c'est gagné, ils sortent tous de leur tanière. Les lumières s'allument un peu partout et l'affolement semble régner. Je sens leur peur depuis ici. Mais attention car "elle" est là aussi avec son fouet. C'est pas le moment de bouger et de toutes façons, ils sont trop nombreux pour nous laisser déguster tranquillement notre festin. Cherchons plutôt une planque et attendons que ça se calme.
Tiens, où est passé Pablo? Ah, là, je vois ses yeux dans le buisson. Moi je préfèrerai me percher sur un arbre, c'est la place idéale pour tout observer sans être vu. Mais ici, les arbres ne sont pas bien gros et leur feuillage pas assez fourni. Seulement quelques arbres fruitiers déplumés dont le tronc est juste assez gros pour se faire les griffes.

Tant pis, le toit de cette cage à hommes fera l'affaire, la lumière n'éclaire que le sol.
Et hop! Voilà, c'est parfait. Si je reste bien à plat, j'suis pénard et je les vois tous.
On dirait qu'ils nous cherchent. Ils chassent en groupe mais ils sont bien trop bruyants pour espèrer un quelconque succès.
Dans un sens, tant mieux pour Pablo, car quand il reste immobile, il s'endort. Et quand il dort, il ronfle. Il se serait sûrement fait repérer!
Quoi? Ils abandonnent déjà? Pas étonnant qu'on ne mange plus tous les jours!
Ils se dépêchent de rentrer maintenant, mais tous ne sont pas aussi rapides. Celle-là est même très en arrière, elle doit être blessée. Elle essaie de le cacher mais on me la fait pas, j'ai l'oeil et je vois bien qu'elle boîte. Si les autres rentrent tous, je tente ma chance. A cette distance, elle me verra peut-être venir mais je l'aurai facilement à la course. Elle ne m'échappera pas.
Aller, grouillez-vous de rentrer, j'ai faim!
Mais... C'est pas vrai !? Il y en a qui l'attendent! ...Et les autres qui barricadent tout! Nos succulents chevaux... enfermés!! C'est vraiment un vice chez eux, il faut qu'ils mettent tout et tous dans des boites.
Et pendant ce temps, la boiteuse à rejoint le troupeau! RRRRRRRRR!!
Ne nous énervons pas et restons positif. Je vais attendre que tout soit redevenu tranquille et j'irai vérifier s'ils n'ont pas oublié de boucher un des trous de leurs "cages".

C'est le moment, tout est calme, plus un bruit... à part les ronflements de Pablo!
Ah non, j'ai entendu quelque chose, comme un pas d'hommes mais très léger. On dirait que ça vient par ici. Préparons-nous, on ne sait jamais, c'est peut-être enfin l'heure de bouffer!
Gagné, c'est la petite "Homme"! C'est vraiment mon jour de chance, elle doit fondre sous la dent.
Aller, Ernesto, ne la rate pas.
Mince, elle s'arrête. Tiens, elle aussi elle parle toute seule? Ah non, elle discute avec un bout de tissus... ça vaut pas mieux! Qu'est-ce que j'fais, j'y vais... j'y vais pas... Elle est encore un peu loin, patience. "C'est la patience qui fait la différence entre un bon et un mauvais chasseur" nous disait toujours notre mère. Elle avait raison, vaut mieux attendre un peu que risquer ne pas manger. Et la question ne se pose plus puisque elle a repris son chemin vers moi.
Aller, viens... oui, c'est bien... encore un peu, ce sera parfait... juste un pas... un dernier et...

PIN-PON-PIN, PIN-PON-PIN, PIN-PON-PIN, PIN-PON-PIN...
(Mais, c'est koi kesse tout ce toin-toin?)
-ALLEZ, GO, GO, GO!
(Sont bizarres ces hommes, ils se ressemblent tous!)
-DéPLOYEZ-VOUS SUR UNE LIGNE, CINQ METRES D'INTERVALLE, ET FAITES GAFFE, ILS ZONT RIEN BOUFFé DE LA JOURNEE!
(Je crois qu'il vaut mieux déguerpir. Cette forêt au loin, doit être plus tranquille et pleine de gibier.)
-AMéLIIIE?
(Oulà, mais ça fait haut! Faut que je fasse attention, c'est pas le moment de me blesser en sautant au sol!)
-AMéLIE, où es-tu?
-Ici, maman!
-Rentre immédiat...
-Là! SUR LE TOIT!
PAN...PAN PAN
-CESSEZ LE FEU!! Joli coup les gars!
-MAIS CA VA PAS? Z'AVEZ PAS LE DROIT!!
-Gendarrmerie nationale. C'est vous le responsable?
-Euuuh... Du cirque, oui.
-Ces fauves sont bien à vo...?
-LA-BAS, LE SECOND! IL S'ENFUIT!!
-FEU!
-NOOON, NE TIR...
PANPANPANPANPAN..PAN
-CESSEZ LE FEU! On les a eu, mission accomplie.
-Quoi? mais c'est vivant que..
-Désolé, mais nous avons un ordre préfectoral. ALLEZ LES GARS ON REMBALLE!
-Mais ça va pas se passer comm...
-Ecoutez, moi je ne fais qu'obéir aux ordres... Mais, c'est la deuxième fois qu'ils s'échappent, et la première ils ont déjà tués quelqu'un... c'est même étonnant qu'on ne les ait pas piqué.
-Mais, il y a eu une enquête et il a été reconnu que c'était la victime qui...
-Qui c'est faite dévorée, je sais! Et à propos d'enquête, il y en a une qui va être ouverte pour définir les circonstances de leur évasion et pour éventuellement trouver le ou les responsables.
-...Responsables?
-C'est la procédure. Ne touchez à rien, ni aux jaguars, la brigade vétérinaire va bientôt arriver. Bonsoir messieurs-dames.
-...

Deux gendarmes étaient restés pour "garder" les dépouilles des jaguars ainsi que les abords de leur cage. Sarah avait rejoint ses chevaux pour les aider à retrouver leur calme et, petit à petit, les nouveaux arrivés avaient regagné leur "roulotte".
Pour Firmin et les autres qui s'étaient regroupés autour d'Amélie, la mort des jaguars n'étaient pas la seule raison de la peine qui coulait sur leurs joues et les laissait muets. Les jaguars faisaient partie du rêve de Raphaël qui ne pouvait concevoir son cirque sans les fauves. Ce soir, c'était aussi Raphaël qu'ils avaient tué... un peu plus.

-Dis maman, pourquoi ils sont morts les jaguars?
-... parce qu'ils étaient dangereux.
-Parce qu'ils étaient méchants?
-Non... parce qu'ils étaient libres.
-Alors on est dangereux quand on est libre?
-...Peut-être.

-Mais ils ont fait de mal à personne.
-Non, mais...
-Papa, il disait qu'ils zétaient pas méchants et même, il les caressait.
-Je sais... je sais... Mais là, ils étaient affamés et même ton père n'aurait pas pu les approcher.
-Mais l'autre fois, on les a remit dans leur cage.
-Peut-être qu'après tout, ils sont plus heureux là où ils sont maintenant.
-Tu crois qu'ils sont avec papa?
-Sûrement, ma chérie... Ils sont sûrement... Là-bas.

DAVID
Je n’ai pas beaucoup dormi. Un cauchemar m’a réveillé en sursaut. Les jaguars s’étaient échappés, ils avaient du être abattus. Le plus angoissant était que j'entendais les deux jaguars parler ! Un nom est venu Ernesto .... C'était comme si j'étais jaguar moi-même et j'avais faim. Déterminé, sans peur, je guettais ma proie jusqu'à ma mort. Il faut me reprendre.

Encore quelques heures et nous arrivons à destination. Je suis épuisé mais je réfléchis.
Toutes ses questions me tiennent éveillé. Un détail m’agace. Oui, mais lequel ? Il faut que je trouve. Il le faut.

J’ai pas ménagé ma peine pour le déménagement. Même si on peut croire que mes gestes sont mécaniques, à force d’habitude, rien ne m’échappe. Je surveille les autres et je me surveille.
Démonter un chapiteau n’est pas une mince affaire. Le travail est mal fait et c’est lors de la reconstruction que le danger peut survenir. Je dois contenir une comptabilité de toutes les pièces, chacune est rangée à sa place.

J’ai pris la route comme tout le monde. Le rêve me harcèle. Il était si réel …. Le sang ….. Les fusils ……. C’est juste un rêve, pas une histoire qui se répète. Une tragique histoire qui a secoué toute la famille du cirque. Il me faut chasser ses mauvais souvenirs et me concentrer sur la route.

Après le repas, Manuella a encore tenté de me prendre la main. Pourquoi elle s’obstine autant ? Firmin est intervenu. Je n’avais pas l’intention de me fâcher, Manuella ne m’inquiète pas, elle m’embarrasse surtout quand tout le monde est là. Elle est partie dans un grand éclat de rire. Firmin m’a sourit et a fait mine de mettre une correction à Manuella. Ce fut quelques minutes de joie générale.

Sauf Caroline, qui se tenait à l’écart près de Papou. J’aurais voulu m’approcher d’elle, trop tard ! Firmin faisait signe, il y avait encore de la route.

Le jour se lève, une autre aventure commence ………… Nous arrivons bientôt.