LE CIRQUE ZINDERO


FIRMIN
"Bon, se dit Firmin. Il va bien falloir prendre une décision. Avec ce qui se passe en ce moment, je peux pas m’occuper de Manuella. De toute façon, cette histoire, ça peut pas marcher. Que penseraient les gens du cirque s’ils apprenaient ? Manuella serait capable de leur dire que cela remonte à avant la maladie de Mélissa. Si Anoushka l’apprend.. Déjà que la famille, c’est compliqué.. Mais si en plus de tout ça j’ajoute Manuella, ça peut pas marcher. Il faut que je lui dise que c’est fini. Définitivement fini. Pas tout de suite. Rien ne presse. Dans un jour ou deux. Si on nous surprenait, ce serait fichu."

Firmin avait du mal à gérer le cirque en ce moment. Il avait trop de choses à penser. C’était rare pourtant car même après la mort de Raphaël, il avait su s’occuper du cirque sans penser à rien d’autre. De toutes façons, Firmin avait pu observer que, depuis qu’ils étaient arrivés, le cirque se prenait en main tout seul.

Il avait juste aidé Sarah pour son numéro. Le lendemain de leur arrivée, la jeune fille avait sorti ses chevaux pour s’entrainer. Firmin avait observé de loin. Jusqu’à il y a 5 ans, le cirque possédait une voltigeuse, Firmin connaissait donc par coeur les ficelles pour réussir un numéro. Il vit Sarah s’appréter à bondir et n’eut que le temps de dire "Trop tard! " avant qu’elle loupe son saut. La jeune fille s’était retournée vers lui et Firmin lui avait dit. "Ne sois pas nerveuse, tout va bien se passer. Tu es douée". Et en effet, elle était douée. Même si elle avait été génée de voir que son astuce selon laquelle elle avait déjà de l’expérience n’avait pas fonctionné, elle écoutait attentivement les recommandations de Firmin. Firmin s’était occupé de Sarah toute la journée. La jeune fille n’avait pas besoin de beaucoup de conseils pour réussir. A la fin de la journée, il lui dit "tu me fais ça au spectacle" et n’avait rien ajouté. Son numéro était au point. Un numéro impressionnant, d’ailleurs.

Miguel n’avait pas non plus eu de problèmes et Jojo avait été alpaguée par Elysabeth! Elysabeth, d’ailleurs, le surprenait car elle avait une pèche du tonnerre qui changeait de la forme qu’elle avait à son arrivée dans le cirque. La veille, elle lui avait fourni tout un tas de (bonnes) idées sur la manière d’animer le labyrinthe. Elle était passée voir chacun pour discuter de son rôle dans le labyrinthe. Jojo et Miguel avait aussi exposé beaucoup d’idées auxquelles les plus jeunes comme Marie, Sarah, Fred et Luc avaient très vite adhéré. Elysabeth venait d’ailleurs de reporter son attention sur Marie, après avoir essayé de faire participer Anoushka. La jeune fille était parrainée par Manuella pour tout ce qui concernait son don. Mais en voyance, une part importante de théatre permettait de crédibiliser encore plus le tout. Manuella avait bien sûr un don inné pour la comédie mais jamais elle ne voudrait le reconnaitre, pas même juste avec Marie. C’est pourquoi Elysabeth essayait de lui enseigner quelques petites choses. La jeune fille restait sceptique et acceptait les conseils plus pour faire plaisir que par réelle conviction. Firmin avait assisté la veille à une remise de conseils par Elysabeth. Celle-ci voulait donner un rôle important à Marie dans le labyrinthe. Elle était certaine, et avec raison, que Manuella refuserait ce rôle et tentait sa chance avec la plus jeune des deux voyantes. Firmin se méfiait d’Elysabeth car si il la laissait faire ce qu’elle voulait, elle prendrait bientôt le cirque en main à sa place!

C’est aussi pour ça qu’il avait tenu à faire une réunion dans la soirée, avec toute la troupe.

Quand il entra sous le chapiteau, tout le monde était là.

-Bon, fit Firmin. Les représentations commencent demain soir. J’espère que tous les numéros sont prèts et au point. Il n’est pas question d’en louper un seul. Cela mettrait le cirque dans une mauvaise position par rapport à notre employeur.

Tout le monde resta silencieux. Ceux qui connaissaient Firmin savaient qu’avant chaque moment crucial, il devenait le plus sérieux patron de cirque qui pouvait exister.

-Je vais faire un petit tour de table et vous me dîtes si vos numéros sont au point, si vous avez rassemblé votre matériel, et si vous voulez changer quelque chose à ce qui a été fait en répétition depuis qu’on est arrivé. J’aimerai autant éviter les mauvaises surprises. Pour Sarah, j’ai vu ça directement avec toi. Pas de problème, tout va bien. Pareil pour Miguel.

Firmin s’était appliqué à bien observer en détail le numéro du magicien, avait donné ses conseils et avait changé ce qui lui paraissait important.

-Youri et Michelle ?

Le trapéziste russe prit la parole avec un léger accent.

-Tout va bien, dit-il

-On a gardé à peu près le même numéro pour les représentations que celui qu’on faisait déjà, ajouta sa comparse.

-Bon, fit Firmin. De toutes façons je vous verrai demain après-midi.

Les trapézistes ne participaient pas à l’animation du labyrinthe. Firmin voulait s’assurer lui-même que le numéro de trapèze n’était pas dangereux. Il continua son tour de table.

-Fred et Luc ?

-On a gardé les mêmes numéros, fit Fred. On fera juste d’autres choses pour le labyrinthe.

-Je vous fait confiance, fit Firmin et c’était en effet le cas. Les deux jeunes jongleurs impressionnaient par leur dextérité et leur sens de la mise en scène.

-Lisa, comment vont les jaguars ?

-Bien, fit la dresseuse. Il n’y aura pas de problème pour demain. Par contre, il faudra dire au chatelain de faire attention à ce que la chèvre ne repasse pas devant leur cage. Ca les met dans un état pas possible.

-Très bien. Sandra, j’ai vu tout à l’heure. Arthur, je connais par coeur.

-Pas tout à fait, fit Elysabeth. On a changé quelque chose. Un numéro avec les clowns en plus. Pour Sandra aussi, d’ailleurs.

Firmin soupira intérieurement. Décidément... Au moins, elle faisait tout pour que le cirque fonctionne.

-D’accord, dit-il. Vous me montrerez ça tout à l’heure. Je vous dirai si on l’intègre au spectacle.

Firmin vit Elysabeth hésiter. Peut-être était-elle sur le point de faire une remarque sur le fait qu’elle lui avait proposé plusieurs fois de venir voir les nouveaux numéros. En tout cas, elle ne dit finalement rien. Firmin savait qu’elle avait raison mais il n’avait pas eu le temps pour ça.

Il ne dit rien à Manuella car il savait qu’elle ferait un numéro avec Marie et il avait confiance en elle.

-Jojo, dit-il ?

Il n’avait pas eu le temps de la voir faire son numéro. Trop de choses à faire.

-Et bien, je fais un numéro avec Ely et Pedro

"Sans blagues", faillit faire Firmin avant de se raviser

-Et je ferai un autre numéro toute seule.

-D’accord, dit-il, tu me montreras cela tout à l’heure. David ? Tout est prêt pour les représentations ?

David, son homme de confiance, avait l’habitude de s’occuper de monter le reste du chapiteau seul, à savoir les gradins, les coulisses. Il prévoyait les emplacements de chaque accessoire ce qui l’avait obligé à aller voir chaque membre de la troupe un par un. Pendant le spectacle, il devenait accessoiriste et il installait lui-même les barreaux pour les jaguars, le fil de la funambule, le filet des trapézistes (car il était inenvisageable de refaire des numéros sans filets).

-Les costumes ?

-Tout est en état, fit Caroline. Je me suis débrouillée avec Sarah et Jojo pour leurs costumes. Miguel avait déjà tout de prêt.

-D’accord. Le minutage et l’ordre ?

-Je me suis occupée de l’ordre, répondit Anoushka. J’ai gardé la même base que d’habitude. J’ai saupoudré les différents numéros des clowns...

Elle ne fit pas de remarque sur le fait qu’il y en avait plus que d’habitude.

-Bon, fit Firmin, de toutes façons, on fait une répétition générale tout de suite. Pour le labyrinthe, j’imagine que vous savez ce que vous voulez faire ?

Les membres de la troupe répondirent évasivement car ils ne s’attendaient pas à devoir faire une répétition complète du spectacle (et donc le spectacle) après la réunion. La plupart avait prévu d’aller se coucher. Mais personne ne protesta.

-Pour le labyrinthe, demanda à nouveau Firmin ?

-Tout est prêt, répondit Miguel. On a disposé tout le monde à des endroits. Il n’y a que Jojo, Ely, Pedro, Sarah et Marie qui se déplacent dans le labyrinthe. Les autres ont des places fixes.

-Fred et moi, on est chacun à un bout, fit Luc.

Firmin comprit que la troupe avait réussi à se débrouiller sans lui sur ce point là aussi.

-Et toi, demanda-t-il à Manuella, qui n’était pas du genre à se laisser dicter ce qu’elle devait faire par qui que ce soit.

-A l’entrée, répondit-elle.

-Elle prévient les gens de faire attention à toutes sortes de danger et notament à la sorcière!

Firmin haussa un sourcil. Manuella avait accepté ça ?

-Et qui est la sorcière ?

-C’est moi, fit gaiement Jojo ! J’ai un déguisement de prèt que Caroline m’a aidé à faire.

Firmin essaya de s’imaginer la grande femme en sorcière.

-Moi, je suis vers l’entrée, fit Arthur. Je prend les gens qui veulent sur mes épaules pour qu’ils puissent observer le labyrinthe. Je les dirige vers Sandra

-Je dresserai un fil entre deux arbres du labyrinthe et je serai dessus. J’expliquerai aux gens qu’ils doivent suivre la cavalière pour trouver la sortie.

-C’est moi la cavalière, fit Sarah! Je passe dans le labyrinthe assez vite pour pas qu’on puisse me suivre trop facilement. Debout au début, pour que les gens puissent tous me voir et assise à la fin.

-Attention à renverser personne, prévint Anoushka.

-Je ferai attention.

-A chaque fois que la sorcière rencontre quelqu’un, elle leur lance un sort, fit Elysabeth.

-Vous allez faire peur aux enfants, fit Anoushka.

-Non, je pense pas, dit Jojo. Mon costume est un costume de sorcière rigolote. Et l’invocation est marrante aussi: BIBOULDIBOUBOU!!!! A PARTIR DE MAINTENANT, BIBOULDIBOUBOU, JE TE LANCE UNE MALEDICTION. TU NE POURRAS PLUS JAMAIS, BIBOULDIBOUBOU, ALLER VOIR UN CIRQUE DE TA VIE!!!! Et je leur dis que pour guérir de la malédiction, ils doivent trouver l’être de lumière.

-Qui est l’être de lumière, demanda Firmin ?

-C’est moi, fit timidement Marie.

Firmin se dit qu’Elysabeth avait finalement réussi à convaincre la jeune fille.

-Je leur lis l’avenir puis je les guéris de la malédiction.

Georges, le père de Marie prit alors la parole:

-Moi, je suis à la sortie du labyrinthe. Je crache du feu en l’air pour que les gens puissent voir où est la sortie.

Il paraissait ravi de savoir que sa fille allait participer au cirque. Firmin se demanda ce que devait penser sa mère de tout cela. Elle n’était pas à la réunion.

-Moi, je suis au milieu, fit Miguel. J’ai prévu un tour de magie pour diriger les maudits vers Marie.

-Ely et moi, on se ballade dans le labyrinthe, fit Pedro. On indique jamais les bons endroits. On fait des farces aux gens. Classique, quoi.

-Est-ce que je pourrai prendre Papou avec moi, demanda Elysabeth ? Et le déguiser ?

-Ca, faut que tu en discutes avec Amélie, dit Firmin.

-Elle est couchée, dit Anoushka.

Firmin ne dit rien sur le fait qu’il avait vu une petite frimousse regarder sous le chapiteau.

Elysabeth continua:

-En fait, tous les personnages jouent des rôles dans le labyrinthe. Ils ont tous...

-D’accord d’accord, coupa Firmin. Tant que vous savez ce que vous faisez, ça me va.

Elysabeth parut un peu déçue que Firmin ne veuille pas en savoir plus.

-Bon, je crois que tout est prêt, continua Firmin. Répétition général du spectacle, c’est parti!

PAPOU
Je ne peux même pas dire à Monsieur Firmin ce que j'ai observé cette nuit. Pourtant, il y avait une ombre qui rodait près du grand chapiteau , même que....J'avais les chocottes!
Et bien quoi ???
Je ne suis pas un tigre , ni un lion , je ne suis qu'un âne et la nuit lorsque nulle écorce n'est fixé par le tremblement de la lumière, lorsque les limites se figent, lorsqu'il n'y a plus que les odeurs et les étoiles , j'ai peur!!!
Mais j'ai bien remarqué que cet ombre ,ne voulait pas que du bien au cirque et à M firmin .
Pourtant, lorsqu'au petit matin , j'ai tiré avec mes dents sur la veste du patron, il a souri et a seulement dit:
-Attend Papou, tu auras ton sucre tout à l'heure!!
Ah, si je pouvais parler!!!

DAVID
A la réunion, Firmin reconnaissait tout le boulot que j’avais pu faire. J’aime que les choses se déroulent bien, sans surprise. Je ne ménage pas ma peine.
Ce labyrinthe n’est pas une mince affaire, je dois penser à tout réorganiser. La réunion m’a permit de confirmer certains points. Tout le monde a l’air d’être à sa place. Je tâche de rester à la mienne.

J’ai aperçu la petite tête d’Amélie qui ne perdait pas un mot de tout ce qui se passait.
J’ai réussi à capter son regard et d’un signe je lui ai fait comprendre de ne pas faire de bruit.
Qu’est-ce qui m’a pris après je n’en sais trop rien. J’ai bougé mes mains au-dessus de ma tête
pour imiter Papou. Du coup la gamine a filé après m’avoir envoyé un bisou. Je me suis de nouveau tourné vers Firmin qui affichait un grand sourire. J’ai compris qu’il avait assisté à toute la scène.

David ! a lancé Firmin. Cela ne t’ennuierait pas de faire maintenant une petite tournée histoire d’être sûr que tout va bien ? La réunion va bientôt finir de toute façon.
Je n’ai pas attendu la fin de la phrase que déjà je me suis levé et dirigé vers la sortie. Pour trouver Amélie il faut aller voir Papou. Je me suis trompé, j’entends ses petits pas qui se dirigent dans la direction opposée. La chèvre ! Bon sang ! Amélie pourrait se perdre et se blesser. Elle est en pleine conversation avec la chèvre. Je tousse pour éviter de la surprendre.
- je sais quand c’est toi David !
- ha !
- Ha oui ! Maman aurait déjà poussé un cri. Toi tu n’es pas barvard comme Papou, mais je sais que t’as plein de choses dans la tête. Dis ? C’est vrai hein ?
- Oui
- Tu dois savoir beaucoup de choses ?
- ……
- C’est pas grave si tu ne me répond pas. Je comprend Papou, alors toi c’est pareil. La chèvre va être ma copine aussi. On sera quatre maintenant à bien se comprendre. Tiens, là tu vois, je sais que tu me demandes de rentrer ! C’est pas vrai ?

Pour toute réponse, j’ai soulevé la fillette et je l’ai fait glisser sur mes épaules. J’ai imité la démarche au trot de Papou. Je fais attention, elle pourrait tomber. C’est encore un de nos jeux.
Je l’ai regardée se faufiler dans sa caravane pour retourner se mettre au lit. Avant de me tourner le dos elle m’a dit.
- Je devine tout ce qu’il y a dans ta tête. Je sais tout ! Mieux que Manuella ! Bonne nuit Papou deux !

J’ai terminé mon inspection. Il n’y avait rien à signaler. J’ai retrouvé Firmin sous le chapiteau.
- tout va bien mon garçon ?
- Oui, je…… hum hum ! De demain ………
- Ok j’ai compris ! Tu as besoin de ta matinée ?
- Oui …….
- David, je te serais toujours reconnaissant d’avoir tenu à acheter un nouveau cheval, quand Furie s’est gravement blessé. Tout le monde sait que tu as de l’argent, tu sais ça discutait pas mal ici ! Tout le monde était étonné. Bien sûr avec ta permission j’ai expliqué que ta passion était les champs de courses. Tu gagnes beaucoup David, pourquoi ne pas t’arréter ? T’établir un jour à ton compte ? Avoir tes propres chevaux puisque tu les aime tant !
- p p peu p p pas !
- C’est comme une drogue hein David ? J’arrête de t’ennuyer mais fais attention à toi. Tu as ta matinée demain ! Tu as trouvé un nouveau champ de courses ?
- Oui
- Loin ?
- N n non p p plus près !
- Bonne nuit David, conclut Firmin en me serrant la main.
Je suis parti vers ma roulotte. J’aime pas ce genre de discussion sur mon argent. Mais Firmin s’inquiète pour moi. Bien sûr je ne lui en veux pas. Que tout le monde soit au courant cela les a rassuré. Comment aurais-je pu acheter cette belle chaîne en or à Amélie pour son dernier anniversaire ? Ce n’est pas avec le salaire que je touche que j’aurais pu me permettre cette folie ! Même l’achat d’un nouveau cheval ! J’ai préféré que Firmin en parle. Le cirque était dans une mauvaise passe. Pour oublier que Furie avait eu une belle entaille à son jarret, sans qu’on sache pourquoi, pour oublier qu’on avait du l’abattre j’ai trouvé normal d’offrir un nouveau cheval. Je sais que j’ai gagné l’estime de tous, et leur confiance. Jouer aux courses n’est pas dans le goût de tout le monde mais personne ne m’interroge sur ma passion.

Je frissonnais en retournant dans le chapiteau, demain serait le jour pour véritablement gagner de l’argent.
Facile, dangereux aussi, c’est vrai je pouvais tout perdre. Impossible pour moi d’arrêter.
J’irais jusqu’au bout ……. Comment gagner de l’argent n’est pas un secret pour moi.
Demain je double la mise et pas question de quitter.

AMELIE
Amélie avait été se coucher... ou plutôt, elle avait fait mine d'y aller... elle avait attendu que David se retourne et parte de son côté pour se glisser subrepticement de la roulotte... puis elle s'était prestement dirigée vers la petite chèvre qu'elle avait apperçu quelques heures plus tôt.
Une petite silhouette se tenait aux côtés de l'animal.
Amélie s'approcha doucement...

- "Bonjour! Moi c'est Amélie! Et toi? Tu t'appelles comment?"
-"Heu, je m'appelle Johanne."
-"Ah oui? Et qu'est ce que tu fais ici? C'est là que tu vis?"
-"Oui, ça c'est ma maison" fit -elle en désignant la château.
Amélie émit un long sifflement d'admiration.
-"Ta maison?! Ben mince alors! C'est un château! Dis, tu m'invites dedans?"
-"Heu... c'est que je sais pas si j'ai le droit?..."


"Aie Aie Aie" pensa Amélie, "j'suis tombée sur une obéissante!"
-"Bon ok! Dis t'as quel âge?"
-"J'ai six ans" répondit Johanne


"Six ans?! Mince un bébé!" se dit Amélie
- "Moi j'ai 7 ans!" annonça t-elle fièrement, puis elle rajouta:
"Et le labyrinthe? Hein? Tu me le fais visiter le labyrinthe?"
- "Heu... c'est que ça non plus je sais pas trop si j'ai le droit...?"
"Aie! C'est bien ma chance! c'est une très très obéissante!" pensa Amélie, puis elle reprit très vite:
- "Bof tu crois que tu peux pas?... C'est dommage parce que comme ça, moi, j'aurai pu te présenter ma maison à moi..."
-" Ah oui? reprit la petite Johanne plein de curiosité
Et c'est quoi ta maison à toi?"
-" Oh, moi tu sais... fit Amélie d'un air indifférent
Ma maison c'est juste le chapiteau là bas."
La petite Johanne ouvrit grand ses jolis yeux...
- "Heu... bon d'accord... je t'emmène dans le labyrinthe et toi, après, tu m'amènes dans ton cirque d'accord?!"
- "Ok, ok, fit Amélie l'air détaché, si tu insistes..."
"Et voilà! se dit Amélie, trop fastoche vraiment!"
-" Allez hop! On y va? lança Amélie
-" D'accord! répondit Johanne, on y va!
Les deux petites s'enfoncèrent dans le labyrinthe tandis que le jour commençait à descendre...

FIFI DE JOHANNE Bêêê de bouquetin puant!

J'vais en mourir ! J'vais en mourir ! J'donnerai plus qu'du lait écrémé si ça finit pas !!!
Vous savez pas quoi ? Johanne, MA JOHANNE à MOI, à moi-même de chèvre presque du Tibet, et bien MA JOHANNE ... elle a parlé avec l' AUTRE !!!

Oui, l'AUTRE, la romanichel. Oui, la petite qui a toujours la tête en l'air et qui se gave de bonbons toute la journée.
Oui, l'AUTRE, l'AMELIE qu'ils l'appellent.

Et en plus, elles sont parties toutes les deux ! Deux de celles qu'y'auraient JAMAIS dû se rencontrer si le monde était encore ce qu'il doit être et les petites gens à leur place !

MA Johanne De Vassiers avec cette caraque, cette bohémienne, cette vagabonde, cette ...cette ...!!!

Et qu'elle va bientôt monter sur l'âne ! Comme j'vous le dis, que j'en bêle encore les larmes de mon corps de la peur qu’elle me fait .
Et que Johanne elle en a oublié de me sortir au grand pré aux pommes...

Quel malheur ! Quel malheur ce cirque dans mon château si beau ! Un cirque de malheur, voilà c'que c'est cet attirail ! Un cirque de malheur ! Et AVEC des jaguars, en plus, comme si ça suffisait pas avec l'âne !

Remarquez ..., comme j'suis pas sortie au pré..., j'en ai profité pour traîner un peu, par-ci par-là, dans la cour et dans le labyrinthe... ET J'EN AI VU DES CHOSES !!!

Ecoutez voir d'plus près, qu'j'vous bêle ça dans l'oreille...

La gitane et ses jupes, elle fait du rentre-dedans au Directeur. Oui, le Firmin, vous savez, c'lui qui prend son air triste pour se faire remarquer, et bien, il est Directeur du cirque et il est aussi l 'aïeul de l'Amélie. Ah, non, ça ... ça lui déplaisait pas à c't'homme d'se frotter avec cette noiraude empaillettée!

Bêêê de bande de dégoûtants non pasteurisés !

...Bon, c'est pas tout mais faut y'aller, c'est l'heure de ma traite du soir. Après, puisqu'on s'occupe plus de moi, ici, j'm'en retourne regarder un peu voir c'qui s'fabrique !

Mais j'le dis et j'le redis : MONSIEUR CHARLES DE VASSIERS, VOUS POUVEZ COMPTER SUR MOI !
MOI, Fifi De Johanne, je suis chèvre en ce château, et je le resterai !

...Et que le Dieu des fromages bien faits nous protège.

MANUELLA
Firmin interrogeait chacun sur ses animations et sembla soulagé de voir que tout était planifié : chacun connaissait son rôle . Il faut dire qu’ Elysabeth avait décidé de prendre les choses en mains et tout semblait marcher comme sur des roulettes …
Manuella regardait Ely d’ un mauvais œil : celle –ci lui avait imposé un rôle sans même lui demander son avis !
" NON, mais ! De quoi elle se mêle , celle- là !!! Elle croit qu’ elle va mener tout le monde par le bout du nez , à peine arrivée chez Zindéro !! Elle décide pour moi … pour Firmin … Elle a l’ intention de diriger le cirque pendant qu’ elle y est !!!
" Manuella , je trouve qu’ elle sera parfaite à l’ entrée du labyrinthe , à prévenir les gens s’ ils courent quelques dangers ;; patati , patata … " singea Manuella .
Non , mais ! Ma DE DIO !! Elle va décider de mes visions bientôt !! Et je vais rester comme une potiche à l’ entrée du labyrinthe à me croiser les doigts !!! Pendant ce temps, la pauvre petite Mary , faudra qu’ elle se dépatouille à prédire l’ avenir aux visiteurs alors qu’ elle n’ a jamais pratiqué ce genre d’ exercice qu’ on n’ improvise pas comme ça !!! j’ ai même pas eu le temps de lui apprendre quelques ficelles à la p’tiote ! …et elle a pas osé dire non à Elysabeth …Bon ! enfin … j’ ai dit oui à la proposition d’ Elysabeth pour pas la contrarier mais ce qu’ elle ne sait pas, c’ est qu’ on ne dicte pas à Manuella ce qu’ elle doit faire …et j’ ai bien l’ intention de n’ en faire qu’ à ma tête !!! Non , mais !!! … D’ ailleurs Firmin a semblé surpris de mon accord , mais à mon avis , il est pas dupe et je vais avoir à donner des explications plus tard … !
Bon , ben moi , je commence à trouver que cette réunion traîne un peu en longueur et j’ ai un de ces mal de crâne …Ouf ! j’ me sens pas bien du tout , tout d’ un coup …Houla la !! J’ ai des éclairs qui me zèbrent les yeux et des milliers de sabots de chevaux sauvages qui galopent dans mon cerveau !!! Houla la … insupportable … Je vais m’ éclipser discrètement , direction la roulotte car je ne tiens plus !! … J’ ai chaud , tout à coup !!! mais chaud !… "

Manuella semblait au bord du malaise … Une pâleur effrayante avait envahi son visage …
Personne ne semblait avoir remarqué quoique ce soit …et chacun continuait à évoquer son projet …

" NOOOON ! NONNNN !! Ma PITCHOUNE , MA PRINCESSE , NE CONTINUES PAS !! ARRETE – LA TES PAS !!! SORS ! SORS ! VITE !! SORS DE CE LABYRINTHE , JE T’ EN CONJURE !!! AMEEELIIIIIE !! NON ! AMELIE ; REVIENS "

Tous , ébahis , effrayés , se précipitèrent aux côtés de Manuella .
La gitane se tordait dans tous les sens , en proie aux démons de l’ enfer aurait – on pu croire … ! Elle semblait se débattre contre un ennemie inconnu , criait , les yeux exorbités , faisant de grands gestes avec les bras …
Firmin lui tapota les joues pour tenter de lui faire retrouver ses esprits mais en vain , la gitane poursuivait son cauchemar …
__ " Elle a parlé d’ Amélie !!! Ma fille est en danger ??? " cria Anouschka dont le sang n’ avait fait qu’ un tour . " Manuella réponds !! que se passe-t-il ??? "demanda t-elle affolée .
___ " Manuella est en transes ! Elle vient d’ avoir un flash qui s’ est violemment imposé à ses yeux ! Ne vous inquiètez pas , elle fait souvent ça dans ces cas –là …Elle va bientôt revenir à elle … " répondit Firmin pour calmer l’ assemblée .
En effet , Manuella sortit tout à coup de sa transe …et se redressa sur son siège .
L’ air hagard ,elle observa tout le monde, se demandant le pourquoi de cette attention soudaine à son égard …
Tout lui revint à l’ esprit comme une déchirure …Il fallait qu’ elle leur dise …
" Amélie est dans le labyrinthe , elle court un grave danger , elle est perdue , il fait nuit , elle pleure …Une petite fille l’ accompagne … elle pleure également …Un homme est caché dans une allée et les attire vers lui …il est pas bon … "
__ " impossible , Amélie est couchée et dort depuis longtemps ! " affirma Anouschka .
__ " Non , ta fille était là, tout à l’ heure , elle était cachée derrière une toile du chapiteau et suivait notre petite réunion ! " indiqua Firmin " mais , j’ ai fait signe à David d’ aller la recoucher discrètement … "
__ " La pppe… la peee …tite , je l’ ai rammmmeeeenée dans ssss ….ssson lit et , et , et , et jjjjeeeee l’ ai rrrrren … ren ddddo … dor , rendormie ! " tenta d’ expliquer David, qui, plus il était ému , plus il bégayait …
__ " Dépêchez-vous !! Amélie est en danger ! Ma DE DIO ! Au lieu de discuter , il faut partir à sa recherche et tout de suite !!! " s’ écria Manuella très agitée .
__ " Pas une minute à perdre !! Suivez- moi ! Tous au labyrinthe ! " ordonna Firmin qui se mit à courir en direction de la sortie du chapiteau .

Tous lui emboîtèrent le pas sans tarder , les hommes en tête , David le premier …
Manuella retroussa ses jupes et courut derrière eux, l’ air tendu .
__ " Quel cinéma elle nous fait cette vieille folle ! Et tout le monde marche ! " jeta Elysabeth en haussant les épaules .
__ " Oui , mais il s’ agit de ma fille , et dans le doute … ! " lança Anouschka arrêtée dans sa course .
__ " Je te suis ! Y a urgence … car moi je crois en Manuella … " dit Caroline en entraînant sa belle – sœur . " pourvu que Manuella se soit trompée , pour une fois ! Pourvu qu’ il n’ arrive rien à ma nièce adorée ! … "

Manuella arriva en même temps que les autres à l’ entrée du labyrinthe , essoufflée , inquiète .
__ " Ma pitchoune , mon trésor adoré , le sang de mon sang , qu’ il ne t’ arrive rien …ou j’ en mourrai ! " pria Manuella de toutes ses forces .
Déjà , David , efficace comme toujours , distribuait des lampes torches aux hommes de la troupe .Chacun prit un itinéraire différent dans le labyrinthe . Les grands moyens étaient employés pour retrouver la petite de Firmin . On criait son nom , toutes les voix s’ unissaient dans un même élan , un même cri : " Amélieeeeeeeeeee ! A ME LIE EEEE ! "
Seule la forêt répondait en écho , un écho glacial dans la nuit …
L’ inquiétude gagna de plus en plus …
Amélie ne répondait pas … Pas un son , pas un pleur …
Mais où était passée la petite fille ???
__ " Elle n’ est pas dans son lit !!! Amélie a disparu !!! Dis-pa-ru !!! Mon Dieu , retrouvez ma fille !! … " sanglotait Anouschka en se tordant les mains .
__ " viens , petite , calme-toi , ça ne sert à rien de te mettre dans des états pareils … " murmura Manuella en attirant la jeune femme dans ses bras et en tentant de la calmer .
__ " Bon Dieu ! Faut qu’ on la retrouve ! " se dit Firmin en serrant les dents " elle s’ est pas envolée ! … "
Pas un cri , pas un pleur …Le silence ….angoissant …et la nuit de plus en plus noire …

MARIE
TOUT le monde accourue dans la nuit sombre ,apres la predictions de manuella,des questions et des questions apres tout quand on est pas abitué à voir cela c tres inquiétant de voir quelqu'un en transe;
manuella pris un groupe avec elle et les hommes se diviserent en deux (un pour aller chercher des torches car dans la precipitation ,on n les avait pas prise ) et l'autre dans le labyrinthe pour chercher la petite.
Ils fallaient tous rester groupé, j'avais tres peur pour la petite et peur pour manuella,car quand elle a quelque chose qui ne vas pas elle fonce droit devant sans se soucié des circonstance quand c pour ceux quelle aime;
on patrouillé mais dans ce contexte là c pas evident dans le noir.
Maman etait à coté de moi est de manuella je ne voulais pas les lâché surtout pas la maman d'amelie qui etait aussi folle que manuella,je crois que si elle voyait ce types s'approcher de sa petite fille elle le tuerait.

ANOUSHKA
Je pleure. Les larmes coulent j’en suis sûre, mais je ne les ai pas senties venir. Elles m’inondent le visage et me glacent les joues par la même occasion. Il fait froid cette nuit, enfin je crois. Je suis en T-shirt et je tremble, mais est-ce que la température a un rôle là-dedans ? Dans des moments pareils, c’est connu, on se fixe toujours sur le détail sans intérêt auquel personne ne pense. Cela fait… je ne sais pas combien de temps… dix minutes ? une heure ? cinq heures ? dix ans ? que je m’essuie les yeux avec les froufrous blancs de ce truc auquel j’étais sûre de tenir comme à la prunelle de mes yeux jusqu’à il y a dix minutes, une heure, cinq heures ou dix ans. Je vendrais mon âme au diable pour pouvoir serrer Amélie dans mes bras et me préoccupée de nouveau comme l’imbécile notoire que je suis de savoir si mes fringues de starlette ratée ne virent pas au gris…

Amélie !

Mais qu’est-ce que je faisais ? Pourquoi j’étais pas avec elle ? Mon Dieu….

Mon Dieu, je vous en supplie, rendez-la moi ! J’ai toujours été très fière de crier haut et fort que je croyais pas en vous, mais c’est pas vrai… Et puis elle c’est pas moi ! Ne lui faites pas de mal… C’est pas juste ! J’ai pas été foutue de la rendre heureuse… J’ai même pas été foutue de la protéger ! Je ferai n’importe quoi, mais je la veux ! C’est tout, la seule chose que je veux ! J’ai dit des milliers de fois " je veux " et vous ne m’avez jamais rien donné, mais là, là, c’est Amélie ! Vous n’avez pas le droit de me refuser ça ! C’est ma fille ! Je veux qu’on me rende ma fille ! C’est vous qui m’avez fait naître chez des gens qui vivent près d’un labyrinthe ! Si on m’avait donné le choix… Si j’avais pu, j’aurais tout fait pour que… Je sais plus… Ok, c’est de ma faute, mais… mais… je vous en prie…

Amélie !

Je suis tombée à genoux. Je ne sais pas si je me suis pris les pieds dans quelque chose, si c’est la fatigue ou si c’est parce que j’ai voulu faire ce que je n’ai jamais fait, et prier comme on voit dans les films, comme on lit dans les livres. Je ne sens plus mes jambes. Je crois que je courrais tout à l’heure, mais je n’ai plus la force, plus la force du tout… Elle ne m’entend pas… Je ne sais pas si ce que j’ai pensé, je l’ai dit à haute voix…. Je ne sais pas qui est à côté de moi… Je ne sais pas qui m’a posé sa main sur l’épaule… Je ne sais pas, et je m’en fous…

Amélie !
Ma fille…tout ce que j’ai au monde… Oh Seigneur !
Amélie !

Me faites pas ça …

Pourquoi je vois des étoiles partout ? Encore ces saletés de torches… Oh ! faites que je ne m’évanouisse pas ! Pas maintenant ! Je dois retrouver ma fille ! Je vous en prie !

ERNESTO
J'ai rêvé que j'étais libre
Libre de choisir le vent qui me pousse
Libre de suivre l'odeur qui excite mes sens
Libre d'avoir faim, libre de chasser, libre d'être ce que je suis
Cette nuit, j'ai rêvé que je vivais!

Cette nuit, j'ai rêvé que je mourrai
Les miens m'appelaient, mon instinct me guidait
Je repartais pour ce Là-bas
Ce Là-bas que je n'ai jamais vu
Ce Là-bas qui est et sera toujours en moi
Ce Là-bas qui m'attend
Cette nuit, j'ai rêvé de ma place dans l'univers

Ce matin, je me suis réveillé
Je me suis réveillé dans ma cage
Ma cage exiguë
Ma cage qui pue le renfermé et me donne la nausée
J'ai même plus faim, j'ai même plus envie de me lever
Ce matin, je me suis réveillé dans mon cauchemar
je voudrais me rendormir...

Mais comment dormir avec tout ce boucan!!
Ca hurle, ça s'agite...
Et c'est comme ça tous les jours depuis le voyage. Voyage dont je ne parlerai pas car rien que d'y repenser... Beurg! A cette fois c'est pareil, je ne supporte pas ces trajets qui vous secouent dans tous les sens et qui nous font respirer la fumée de leurs machines à courir loin .
Pablo, quand il était petit, il a vécu dans une cage d'hommes. Il paraît qu'ils ont des machines pour tout! Pour faire le jour, le chaud, le froid... De l'eau et même de la bouffe!!
Mais Pablo il dit qu'elle n'est pas bonne. Et si Pablo le dit...
Paraît même qu'ils ont des machines qui parlent comme eux, des qui racontent des histoires et même des qui les aident à penser! Remarquez ça, je veux bien le croire car quand je les vois sans leurs machines... Lamentable!!

Regardez-les, perdus au milieu de ces haies, incapables de suivre leur propre piste pour sortir de ce dédale!
Aucun flair! Leur ouie et leur vue ne sont guère plus performantes. Comment font-ils pour percevoir le monde?
Moi, question flair, j'ai pas à me plaindre, et pas besoin de machines pour me rappeler de l'odeur de chacun.
Je n'oublie jamais une odeur mais parfois je mets un peu de temps à me souvenir. Faut dire que j'ai des excuses! Si, si, avec toutes ces nouvelles odeurs et surtout celle de la côtelette à cornes qui couvre toutes les autres, c'était pas évident d'identifier ce parfum.
D'abord j'ai cru que c'était celui de la "petite homme". Il était un peu pareil, mais c'était celui d'un mâle. Bizarre cette ressemblance, me suis-je miaulé à moi-même! Et c'est là que j'ai eu le déclic: je m'étais fait la même remarque la première fois que j'avais senti la "petite homme". C'était l'odeur de celui qui avait quitté le cirque avant qu'elle soit née.

Tiens, quant on parle de l'homme...
Le voilà qui revient avec la nuit. On dirait qu'il cherche les deux "petites hommes" qui sont perdues dans les buissons... Ca y est, elle l'a entendu...



- YA KUNKUN?
- ...
- C'EST QUOI?
- B... b... bon... bonsoir Amélie!
- David? C'est toi?
- Euh... Non, je ne suis pas David mais n'aies pas peur.
- Ho, j'ai pas peur, c'est Johanne qui a peur parce qu'elle est petite... Elle n'a que six ans.
- C'est même pas vrai, j'ai pas peur! Je veux juste voir ma maman.
- Mais vous ne savez plus le chemin pour sortir?
- Ben... Non! Et toi, t'es perdu aussi?
- Euh... pour certains, oui... mais pas ici.
- C'est Amélie qu'a voulu qu'on vienne ici!
- (Wouâ, la caf'teuse!!) C'est pas bien de rapporter!
- Oinnnnnn, je veux ma mamaaaan!
- Chuuuut! Allons, ne pleure pas, tu vas la retrouver ta maman.
- Tu... snif, tu connais snif le chemin snif pour sor-snif, pour sortir d'ici? snif
- Oui, bien sûr, c'est moi qui ai dessiné ce labyrinthe, alors je le connais bien!
- Snif, et tu...
- C'est tôa qui l'a construit?!! Super-génial!!
- Euh, presque... On m'a aidé aussi
- Alors t'habites le château? Je t'avais jamais vu avant!
- Moi non plus! snif
- J'habite ici mais pas dans le château..
- Dans le labyrinthe??
- Hahaha! Non plus Amélie, mais pas très loin ici.
- T'es le drôle de monsieur qu'habite dans le bois?
- C'est ta maman qui t'a dit ça, Johanne?
- Oui, et j'ai pas le droit d'y aller.
- C'est normal, t'es encore trop petite et tu pourrais te perdre. Et puis la nuit, il y a des animaux sauvages dans le bois.
- Ya des loups?
- Non, juste quelques sangliers et quelques biches...
- Et t'habites avec eux?
- Non, j'ai une sorte de maison... une grande cabane plutôt.
- Dans les arbres, comme Tarzan?
- Non, non Amélie, par terre... Dans une clairière.
- Tu me montreras ta cabane?
- Moi, j'ai pas le droit d'y aller et je veux ma maman!
- D'accord, je t' amènerai la voir un jour, Amélie mais pour l'instant y faut rentrer chez vous, sinon vos parents vont s'inquiéter.
- Moi, j'ai pas de parents. J'ai une maman et papi Firmin et tatie Caroline mais je l'appelle Colline.
- Ca fait plus beaucoup de monde dans l... ta famille.
- Oh si j'ai une grande famille: tous ceux du cirque, c'est ma famille!
- Et bien ta famille va s'inquiéter, Amélie...
- Et ma maman aussi!
- Oui, Johanne... Allez venaient par ici... on tourne à droite... à droite, Amélie! Tout droit... pas ce passage mais celui-là et voila la sortie est au bout. Essayez de vous en souvenir la prochaine fois.
- Moi je reviendrai plus.
- Euh, je crois que je me rappellerai parce que j'ai une super mémoire et j'ai même pas eu peur... Moi!
- A propos de mémoire, si l'on vous demande où vous étiez, ne dîtes pas que vous m'avez vu.
- Pourquoi?
- Eeeeuuh... C'est pour faire une surprise, c'est notre secret. D'accord?
- Mais moi, maman, elle veut pas que je lui mente.
- Ben t'as qu'a dire que tu jouais avec moi. C'est la vérité. T'es pas obligé de tout dire, pas vrai m'sieur?
- Oui... Enfin... disons que c'est comme quand tu veux faire un cadeau à ta maman... Tu lui en as déjà fait, Johanne?
- Oui, pour la fête des mamans!
- Et tu ne lui avais rien dit jusqu'au jour de sa fête...?
- Non, c'était une surprise que j'avais fait à l'école pour ma maman et la maîtresse, elle nous l'a expliqué qu'il fallait rien dire aussi, pour que maman soit contente.
- Et bien c'est pareil, c'est pour une surprise à quelqu'un.
- A ma maman?
- Ah, surprise! Et une surprise c'est un secret, alors on ne peut pas en parler.
- Ouais, même qu'il faut jurer et cracher!
- Maman, elle dit que cracher c'est mal-po...
- Ouiii, mais là, c'est pour un secret alors on a le droit parce que c'est dans la formule magique: jurépromicraché! Tu vois il faut cracher pour que ça marche. C'est Manuella qui me la dit et Manuella elle est sorcière! Mais elle est quand même gentille.
- Avec toi, je n'en doute pas mais c'est vrai que c'est pas très joli de cracher pour une petite fille, alors on peut aussi le jurer sur la tête de quelqu'un qu'on aime.
- Ah oui, je connais aussi! Moi je le jure sur la tête de Doudou.
- Moi aussi je le jure sur la tête de maman.
- Voilà, et maintenant t'as pas intérêt à dire le secret sinon ta mère elle peut mourir!
- C'est vrai monsie...?
- Il est plus là!? Monsieur..? MON-SIEUR??
- Bon, ben moi, je rentre. A demain Amélie
- Ouais, j'allais le dire, il est temps de rentrer... A demain... Et n'oublies pas, t'as juré!

Et ma maman, et ma maman ci, et ma maman là, c'est vraiment un bébé! Pas vrai Doudou?
Euh, oui je crois que tu as raison, nous aussi on a intérêt à rentrer avant que maman ne s'aperçoive que nous sommes ressortis.
Hein? Comment Doudou? Non moi non plus je n'ai jamais vu de sanglier... ni les biches et les faons... Non Doudou, on ne peut pas aller les voir maintenant!... C'est vrai qu'on y voit bien avec cette grosse lune, mais non! ... Bon mais juste cinq minutes alors!

Aaaaah, caramba, c'est pas trop tôt! Enfin un peu de silence!
J'vais me taper un bon roupillon et j'espère rêver un peu... Peut-être à ... comment elle a dit déjà? Ah oui, "les biches éléphants"! Je n'en ai jamais vu mais ça doit être une énorme biche! ... Avec des énormes gigots!!! Allez Ernesto, dodo!

Eh bien non! C'était trop beau! Qu'est-ce qu'ils ont à s'agiter encore?? Ce sont eux qu'on devrait enfermer, le monde serait bien plus tranquille, je vous jure.
Ca y est, ils ont encore perdu quelqu'un!
Et bien mon pauvre Ernesto, je crois que t'es bon pour une nuit blanche!!

MANUELLA
" Il faut que je pense très fort à la petite ! ... et il ne lui arrivera rien de mal ...Il faut que mes pensées rejoignent les siennes ... Il faut que mes pensées lui fassent retrouver le chemin vers nous ... Si je me concentre , Amélie va suivre le chemin de mes pensées et retrouvera la sortie du labyrinthe et nous tombera dans les bras .
ALLEZ ! AMELIE ! Suis le bon chemin , tu vas y arriver ...
Ma pitchoune , écoute ton 6èmè sens , attrappe mes pensées au vol !

La petite est perdue , seulement perdue ...Elle ne trouve plus le chemin de la sortie mais on va la retrouver ...
Il ne peut pas lui arriver quelque chose de mal ...non ! pas à elle !

Je ne sens plus d'influence néfaste autour d' elle ...
...De l' amour ,oui, de l' amour plutôt ! C' est ça ! Je vois comme une étole d' amour qui l' envelopperait et qui la protègerait ...

La main d' un homme caché , là , se tend vers Amélie ...
Cette main est la main d' un honnête homme , elle est belle , douce ; elle libère des ondes positives ...
Elle m' est familière cette main ... mais je n' arrive pas à voir le visage de l' homme ...

Non ! Amélie n' est pas en danger ; cet homme ne lui veut aucun mal , j' en suis sûre maintenant !
Mais pourquoi ne répond-elle pas à nos appels ?
Pourquoi ne revient -elle pas ?
Allez Amélie ! Dépêche -toi ! On n' en peut plus de cette angoisse ...!"

Manuella se dirigea vers Anouschka qui s' était agenouillée et qui semblait prier ...
La gitane lui caressa les cheveux et lui souffla quelques mots à l' oreille ...
La jeune femme opina plusieurs fois de la tête ; elle écoutait Manuella attentivement . Elle semblait, tout à coup ,apaisée par les paroles de la voyante ...

Alentours , règnait une vive effervescence : chacun continuait les recherches , les appels se faisaient plus pressants et fusaient de partout...
Une véritable chaîne humaine s' était constituée ...
La vraie famille du cirque était plus que jamais soudée pour , comme toujours, venir en aide à l' un d' entre eux.
En l' occurence , ce soir , il fallait coùte que coùte RETROUVER AMELIE !
...ET rien ne les arrêterait !

MIGUEL
L’agitation régnait partout. Tout le monde courrait dans tous les sens à la recherche d’Amélie. Chacun y allait de sa voix. C’était à celui qui crierait le plus fort. Même si Amélie avait répondue de sa frêle petite voix, il nous aurait été difficile d’entendre sa réponse dans ce brouhaha permanent.
Seule Manuella semblait calme. Extérieurement du moins, car elle paraissait comme en transe. Elle se servait de son pouvoir pour retrouver la jeune enfant. Elle semblait paradoxalement assez calme, comme si elle avait vu qu’Amélie n’était pas en danger.
On venait de retrouver Johanne, mais Amélie demeurait introuvable. Debout, à l’entrée du labyrinthe, je ne percevais que les bruits que chacun faisait en parcourant de long en large le dédale. Je me suis approché du père de Johanne.

-" Bonsoir Monsieur, la petite a l’air très perturbée par ce qui vient d’arriver, si vous le souhaitez je peux la calmer et même chasser de son esprit toute pensée néfaste. Je pratique l’hypnose depuis très longtemps et vous n’êtes pas sans savoir que cette pratique peux faire du bien à votre enfant. Mais je vous laisse libre de choisir. "
-" Vous êtes le magicien n’est ce pas ?
-" Oui, mon nom est Miguel Maestro. Me permettez-vous d’aider votre enfant ? Peut-être que par la même occasion, je pourrais savoir où se trouve Amélie. Vu dans quel état vous étiez avant de revoir Johanne vous comprendrez aisément l’inquiétude de la mère d’Amélie. "
-" Si Johanne accepte, je vous autorise à l’hypnotiser. "
-" Je vous remercie. "

Je me suis isolé un instant avec Johanne.

-" Bonsoir Johanne "
-" Bonsoir Monsieur "
-" Tu as eu peur dans le labyrinthe ? "
-" Oui monsieur. "
-" Tu étais avec Amélie ? "
-" Oui monsieur. "
-" Est-ce que tu veux regarder mes yeux, juste mes yeux, tu ne regardes que mes yeux, bien fixement, bien attentivement. Je vais compter jusqu'à trois et à trois tu vas t’endormir, mais d’un sommeil très léger qui te permettra d’entendre ma voix. Tu n’entendras plus que ma voix, rien que ma voix. Un..., deux..., trois. Tu entends ma voix ? "
-" Oui. "
-" Tu es avec Amélie dans le labyrinthe, il fait nuit, il fait froid. "
-" Oui ! J’ai peur, je ne me souviens plus du chemin pour sortir ! Je veux voir maman ! "
-" Que se passe-t-il maintenant ? "
-" Un monsieur arrive. "
-" Qui est ce monsieur ? Il vous veut du mal ? "
-" Non, il est gentil. C’est le monsieur qui a fait le labyrinthe. Il dit qu’il va nous aider à sortir. Il nous indique le chemin. "
-" Amélie est toujours avec toi ? "
-" Oui elle me suit. Mais ? Où va-t-elle ? Elle suit le monsieur dans les bois ! J’ai peur je vois mon papa. Je cours vers lui. "
-" Très bien Johanne. Maintenant je vais compter de nouveau jusqu'à trois et à trois tu vas te réveiller. Tu auras tout oublié, le labyrinthe, Amélie, le monsieur. Tu ne te souviendras plus de rien. Tu n’auras plus peur, tu n’auras plus froid. Un..., deux..., trois. "
-" Bonsoir Johanne, je suis le magicien. Tu veux un bonbon ? "
-" Oh oui, merci, mais pourquoi tout le monde crie. "
-" Ce n’est rien Johanne, ce n’est rien, il est temps de rejoindre papa et d’aller dormir. "

J’avais rejoint le père de Johanne. Firmin et Manuella se trouvait près de lui.

-" Alors ? " me demanda-t-il.
-" Tout va bien. Elle ne se souvient plus de rien. J’ai chassé ses peurs. "
-" Comment vas-tu Johanne ? " demanda-t-il à sa fille.
-" Très bien papa. Mais pourquoi tout le monde crie dans le labyrinthe. Je voudrais aller dormir. "
-" Merci monsieur Maestro. Et pour Amélie ? "
-" Elle n’est plus ici, elle est dans les bois avec le constructeur du labyrinthe. Mais c’est un homme gentil. Elle n’est pas en danger. "
-" Caramba ! " s’écria Manuella. " Yé né sais pas comment tou as fait. Mais c’est prodigios. Tu as viou la même chose qué moi. "

PAPOU
Et maintenant , il manque Amélie et les voilà tous dehors à crier même qu'ils me demandent si je l'ai vue!!

- Papou , tu n'as pas vu Amèlie??
- Tu sais bien que c'est qu'un âne !!
- Il paraît si intelligent parfois!!

Comme si d'habitude , on me demandait mon avis !!!
Et la Manuella qui nous fait croire qu'elle peut la retrouver , je me marre!!!

Et l'autre le Miguel Maestro , un magicien !!! Qu'il transforme l'autre chèvre en ânesse et je te croirais mon petit père!!
N'empèche , qu'il a regardé dans les yeux de Yohanne et que je me suis vite fait la malle...

AMELIE
"Un, deux, trois, nous irons aux bois. Quatre, cinq, six, cueillir des cerises... Oui, oui, Doudou, je sais, il fait quand même bien noir dans ce bois... Mais tu dois pas avoir peur, parce que moi, je suis là, et je suis grande! et je te protège..."

Amélie, sans avoir conscience de l'inquiétude que sa disparition suscitait, s'était dirigée vers la forêt où il lui avait semblé voir l'homme s'enfoncer.
La nuit était plus noire dans cette forêt que dans le labyrinthe qui bénéficiait de la faible clarté des lumières du château tout proche.
Ici, dans cet obscur enchevêtrement de feuillages et d'arbres, la lune, même grosse, n'arrivait pas illuminer les pas de la fillette.
Tout à l'heure, en compagnie de Johanne, tout semblait plus facile, même si elle avait tremblé lorsqu'elles avaient entendu le bruit produit par l'arrivée de l'homme.
Ici, ce n'était pas le silence qui semblait le plus inquiétant, mais bien cette multitude de petits bruits inconnus. Le vent dans les feuilles des arbres, le pas précipité d'un rongeur quelconque, le craquement d'une brindille sous le pied d'Amélie, faisaient sursauter celle-ci et amplifiaient la peur, qui doucement montait dans le coeur de la fillette.

"Bon! Doudou maintenant ça suffit! Tu arrêtes tout de suite ces histoires! Y'a personne dans ces bois et c'est tout! Non mais! C'est pas possible d'être à ce point trouillard! J'ai honte pour toi!"

Tout à coup, un hululement inquiétant retentit dans la nuit noire. Amélie se figea. Elle avait peur. Elle n'arrivait pas à savoir si c'était le cri d'un hibou qu'elle avait entendu ou le hurlement d'un loup... Son imagination commençait à s'emballer, et il lui semblait voir tout autour d'elle des paires de yeux luisants qui la scrutaient. Elle entendait même le souffle d'une bête... c'était sûr!... Elle se souvenait de l'histoire que Firmin lui avait raconté sur la Bête du Gévaudan... Peut-être bien qu'elle n'était pas morte et qu'elle rôdait encore par ici... dans ces bois là!
Amélie serrait très fort Doudou dans ses petits bras. Elle ne voulait pas pleurer et pourtant des larmes brouillaient ses yeux noisettes. Elle s'accroupie et se mit à réfléchir très vite... comme lorsque la peur devient cet excitant qui annihile le temps et accélère la réflexion.
Courir. Courir très vite. Et trouver un arbre. Un arbre refuge. Un arbre protecteur. Un arbre sauveur.

C'est ce que fit Amélie.

Cinq minutes plus tard, elle était perchée sur une grosse branche d'un vieux chêne centenaire. Son doudou toujours dans ses bras, elle se pelotonna contre le tronc de son sauveur, bien calée dans la fourche de deux grosses branches. Son coeur cognait bien fort dans sa petite poitrine.
Peu à peu, le silence revint dans la nuit et Amélie sentit ses yeux se fermer doucement.
Alors, elle s'endormit, là haut, tout là haut, bien à l'abri de ses peurs, tout au coeur de ses rêves.

FIRMIN
Grâce aux informations que Miguel avait pu obtenir de Johann, la troupe solidaire dans la recherche d’Amélie s’était dirigée vers la cabane indiquée. Amélie avait essayée de suivre le "monsieur", selon Johann. Manuella avait senti la présence de cet homme et Firmin n’avait besoin que de la voir pour savoir de qui il pouvait s’agir. Sarah essayait de soutenir Anoushka au maximum en la rassurant. Chacun s’était un peu dispersé pour avancer dans la direction qu’avait indiqué le père de Johann. Celui-ci avait dit à Firmin qu’il ramenait Johann à sa mère (Julie de Vassiers était en larmes, tout comme Anoushka) et qu’il les rejoindrait après pour rechercher Amélie. Firmin était agacé de ne pas avoir vu les autres habitants du chateau s’inquiéter pour sa petite-fille A LUI.

Alors qu’ils continuaient à avancer dans les bois, Manuella tourna la tête vers la droite. David était déjà sur le point de monter à un arbre. Amélie était là, endormie. Rien ne semblait pouvoir la réveiller. Tandis que David la prenait dans ses bras, Anoushka poussa un cri de soulagement. La troupe reprit peu à peu des couleurs. Firmin remerciait mentalement toute sa troupe qui, avec ses prédispositions particulières, avait pu retrouver sa petite-fille. David ne prononça que deux mots.

-Elle dort.

-Emmène-là dans la roulotte, dit Firmin.

Anoushka ne dit rien. Elle hocha simplement la tête.

Firmin regarda la petite fille et décida qu’il devrait avoir une longue discussion avec elle le lendemain. Sa fille avait emboité le pas à David.

Toute la troupe se réunissait, maintenant. Firmin regarda chacun des membres du cirque.

-Trop tard pour la répétition, dit-il. Allez-vous coucher, il faut que vous soyez en forme demain. Miguel, peux-tu aller voir le père de Johann pour lui dire que nous avons bien retrouvé Amélie ?

Le magicien hocha la tête.

-Merci.

L’émotion avait terrassé tout le monde ou presque. Jojo était sur le point de sauter de joie et elle aurait pris tout le monde dans ses bras si elle n’avait pas lu la lassitude et la fatigue chez certains. Manuella regarda Firmin fixement. Celui-ci détourna la tête car il savait ce que semblait dire la voyante. Marie le regarda aussi de manière étrange. Que pouvait bien voir la jeune fille ? Finalement, personne ne dit rien et tout le monde se dirigea vers les caravanes. Firmin resta seul sur place.

Lui n’irait pas se coucher. Du moins pas tout de suite. Il avait lu sur le visage de Manuella. Et pour le moment, avant qu’Anoushka se remette de ces émotions et ne comprenne qui pouvait être cet homme-mystérieux, il allait avoir une discussion.

Manuella fermait la marche de la troupe. Firmin sentait bien qu’elle hésitait à rester avec lui. Que savait-elle exactement ? Que lui avait dit son fils au moment où il était parti ? Firmin pensait que les vraies circonstances du départ de Ronaldo n’était connues ni de Manuella, ni d’Anoushka.

Il tourna le dos à Manuella et se dirigea vers la direction indiquée par le père de Johann. Vers la cabane. Il ne mit pas beaucoup de temps à la trouver. Lorsqu’il arriva à son niveau, il ne prit pas le temps de frapper et entra s’assoir.

-Firmin. J’aurai préféré voir Manuelle ou Anoushka mais je me doutais bien que tu serais le premier à venir me voir.

Firmin alla s’assoir. Il se tourna vers Ronaldo.

-Je t’avais dit de ne pas revenir.

-Bien sûr que tu m’avais dit de ne pas revenir.

-Alors pourquoi es-tu là ?

-Pour ma fille. Pour ma mère. Et pour celle qui aurait peut-être pu devenir ma femme.

-N’en sois pas si sûr, Ronaldo. N’essaie pas de lire en Anoushka, tu n’y arriveras pas.

-Je sais, Firmin, le pouvoir que tu as sur tout ton cirque. Sur ta fille, même si elle fait semblant de ne pas le montrer. Je sais qu’elle te préfèrerait en père qu’en patriarche. Et sur ma mère. Je sais que Manuella et toi vous avez eu une liaison à une époque. Je sais ce que tu as fait pour elle et je sais à quel point elle t’en est reconnaissante.

-Tu as décidé de revenir, donc. Mais je ne laisserai pas un dealer approcher de ma fille. Je lui dirai la vérité à elle, à ta mère.

-Tu vas trop loin, Firmin. Tu sais bien que je ne suis pas un dealer. Quand tu as su que Anoushka était enceinte de moi, tu as paniqué. Je prenais trop d’importance dans ton cirque. Il fallait que je parte. Tu as toujours réussi à dominer Raphaël mais pas moi. Je suis le fils de Manuella, pas le tien. Je suis le père de ta petite-fille. Tu as réussi à me faire peur. Tu m’as dit que tu pourrais me discréditer aux yeux de tout le monde, avec cette histoire de drogue. Et moi je t’ai cru et je suis parti.

-Pourquoi es-tu revenu ici ? Je ne crois pas aux hasards.

-Je connais ton nom véritable. Anoushka me l’a dit, un jour. Je me suis fait engager ici, lorsqu’ils ont commencé à chercher du monde pour construire leur labyrinthe. J’espérais bien que vous finiriez par passer ici.

-Et maintenant tu vas tout déballer ?

-Pas sûr. Si Manuella et Anoushka apprennent que c’est toi qui m’a fait partir, tu risques d’avoir des problèmes. Mais je ne leur dirai pas. Tant que tu ne diras rien, toi non plus.

-Et tu comptes revenir quand ?

-Je ne sais pas encore. Demain. Après-demain. Si tu es là, peut-être que ce sont elles qui viendront me voir. Après tout ce temps, je ne suis pas pressé.

Firmin se leva et sortit de la cabane. Il ne devait pas penser à Ronaldo. Il ne devait pas penser à Charles de Vassiers. Il ne devait penser qu'au cirque. Demain, le cirque avait du travail. C'est tout ce qui importait.