LE CIRQUE ZINDERO


FIFI
Bêêê de drame caprin !
Plus de lait !
Plus de lait!
J'fais plus d'lait d'chèvre !
Ça devait arriver et ça y est !
MA Johanne qui avait DISPARU !
MA Johanne qui s'était PERDUE !
Et perdue avec QUI , hein, J'vous le demande ? ...Avec l'Amélie, bien sur, la petite sans vergogne du cirque !
Bêêê de cerf sans bois !
Et que si elle était pas retrouvée, MA Johanne, à c't'heure, je serais la chèvre à qui, MOI ? La chèvre à plus personne, aussi inutile qu'une chèvre de Monsieur Seguin suicidée avant la fin de l'histoire !
On a aussi retrouvé l'Amélie. C'est pas plus mal, vous m'direz, et je le bêle aussi. L'est pas responsable, c't'enfant, de l'inconséquence de ses parents, au fond.
...C'est QUI, les parents à l'Amélie, qu'vous m'demandez ? Et bien là... j'peux pas tout vous dire ...Y'a du secret dans ce cirque, et du beau secret cent pour cent matière grasse, qu'je vous assure !
M'est avis qu'le Papou, doit en savoir pas mal, sous ses airs d'âne gris ...
J'm'en vais rôder vers lui, pour l'enquête ...
Bêêê d'aurochs totalement disparu !
Mais qu'est-ce que j'vois encore ?
Une grande géante qui passe,oui : JO-JO !,JO-JO! Et qui fait la ROUE comme un paon ???
Non, c'est plus possible ça ! J'ai des hallucinations au yogourt maintenant !!!...
La roue!... La géante! ... Et plus de lait! ... Et le jaguar ! ...Et la sorcière ! ...
Prier, prier, il me faut prier ! J'ai plus qu'ça à faire ! Baisser l'museau, ne plus RIEN regarder de ce cirque, et PRIER !
"Dieu des petites pousses vertes de thé des grands plateaux du Tibet, pays de ma grand-mère tibétaine pour de vrai, bêêêêêêêêêêêêêêêêêê !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ...

PAPOU
Une mémoire d'äne , ce n'est pas comme une mémoire d'homme.Ca ne fonctionne qu'aux odeurs....
Ah!!!!! Les odeurs de foin, de carotte, d'herbe fraîche....
Ah!!!!!les odeurs d'ânesse...je dirais même....hum!!!!!

Hier, il y avait une odeur de pissenlit et tout à coup, je me suis rappelé......

C'était avant l'accident,j'avais vu Monsieur Firmin sortir de la roulotte de Manuella et elle hurlait:
-Depuis le temps, depuis le temps!!!!!Je ne suis bonne qu'à céder à tes caprices d'homme mais jamais non jamais , tu ne voudras m'épouser!!!!
-Calme toi Manuella, tu sais que je t'aime.....
-Alors...alors prouve moi ton amour!!!!!
-tu devrais savoir dans ta boule de....
-Ma boule.....ma boule si tu savais.....
-Calme toi ma petite Manuella, tu sais bien que....
-Il n'y en a que pour ton cirque...ton cirque.....
-C'est ma vie, ma passion!
-Et moi, je veux de l'amour et pas seulement tes bras lorsque tu as cinq minutes!!!!
-Le cirque c'est une attention de tous les instants, regarde le mois dernier....
-Je sais, je sais.....J'avais lu dans ma boule d'ailleurs que les jaguars mettaient le cirque en danger!
-Mais , ils ne sont pas responsables! c'est moi et....l'autre maboul qui a ouvert la cage!!!!Eux n'ont suivi que leur instinct!
-Et toi ton instinct, c'est le spectacle, le spectacle, le spectacle!!!!!!!Et moi mon instinct me dit que j'ai besoin d'aimer et d'être aimé.....Le temps passe vite Firmin et un jour , je partirais pour d'autres bras!!!
-Pour l'instant, il va falloir assumer ce drame!!
-Firmin, j'ai besoin de toi!!!

Elle s'était mise à pleurer sur l'épaule de Monsieur Firmin qui m'avait regardé et chuchoté.
-Tu as de la chance d'être un âne!

C 'est ce jour là que j'ai également vu Raphaêl et Caroline se disputer. Ils étaient sous le trapéze et Caroline pleurait aussi.
- Si tu me quittes, je me.....marmonait elle,
-Mais je l'aime, comprends bien qu'entre nous ce n'est plus possible...
-Tu auras ma mort sur ta conscience....Tu comprends ce que ça veut dire dans tous les cas ton bonheur sera brisé car tu ne pourras pas la rendre heureuse avec la culpabilité sur tes épaules!!
-Te rends tu compte, te rends tu compte!!!

Mais ce jour là, j'avais senti l'odeur des pissenlits, j'avais roulé dans l'herbe et j'avais trouvé une clé doré....

ANOUSHKA
David a couché Amélie. Moi, je me suis écroulée sur une chaise et cela fait plus de deux heures que je la regarde dormir. C’est fou. Il y a quelques années j’aurais éclaté de rire si on m’avait prédit que je passerais des nuits blanches hypnotisée par la respiration nocturne d’une enfant. Mais, mais… Mais c’est mon enfant, et je suis complètement incapable d’expliquer à quel point je l’aime. Sûrement pas comme il faudrait. Je ne suis pas assez adulte pour être la mère dont elle aurait besoin, mais c’est ma fille, et c’est tout ce qui compte.

Heureusement que David était là. J’aurais été dans l’impossibilité totale de la porter jusqu’à son lit sans défaillir. Et puis j’aime autant que ce soit lui qui s’occupe d’elle et non pas " quelqu’un d’autre ". Elle l’adore, et elle a bien raison. Je n’ai jamais connu personne capable de prêter autant d’attention à une petite fille. Même pas ma mère… En fait, c’est bien le problème de ma vie, que de ne pas avoir connu quelqu’un capable d’être le père d’Amélie. Après tout, si David avait été son père, Amélie aurait peut-être été plus heureuse…

Je dis n’importe quoi. Et c’est presque comique d’imaginer ça quand je pense que la première fois que j’ai vu David je me suis juré une chose : hors de question qu’un type pareil s’approche d’Amélie. C’était sans appel, et j’étais prête à la ramener illico presto vivre sur Paris, quitte à devoir faire la manche dans le métro, plutôt que de courir le moindre risque à cause de celui que je considérais comme un fou dangereux.

Comme d’habitude c’est elle qui m’a fait changer d’avis. Et je dois avouer qu’il est sympa David quand on le connaît. Même s’il bégaie, même s’il joue aux courses, même s’il est bien plus que " bizarre ". Mais ce soir, il y a quelque chose qui cloche.

Tout à l’heure, je me suis penchée vers Amélie pour l’embrasser et la border (ok, j’aime bien David, mais je préfère la border moi-même, même si je ne fais que recommencer ce qu’il a déjà fait – non, je ne suis pas maniaque ni obsessionnelle !) Brutalement j’ai tout revu. Les yeux de Ronaldo, le sourire de Ronaldo, la silhouette de Ronaldo. C’est vrai que je l’aimais. Que je l’AIMAIS. Mais pourquoi m’en rappeler maintenant ? Vous me direz que j’y pense tout le temps… Que je fume parce que j’y pense, que j’avale des somnifères parce que j’y pense.

Mais après cette soirée hors de la réalité, j’ai voulu croire, ne serait-ce qu’un instant, qu’il s’agissait d’autre chose que d’un hasard de ma mémoire. J’ai voulu imaginer que moi aussi je me mettais à avoir des visions, que c’étais prémonitoire, que… Je suis stupide.

Et puis j’ai compris. Les cheveux d’Amélie. C’est infime, mais ils ont la même odeur que celui qui me serrait dans ses bras pendant que je lui répétais la litanie classique des " je t’aime mon amour ". Je n’oublierai jamais ce parfum. On ne gomme pas en claquant des doigts ce qui a été votre vie, votre bonheur, même si ça en arrive à se résumer à une eau de toilette en vente dans n’importe quelle parfumerie.

Un autre scénario m’est apparu. Mais je n’avais plus le courage de me projeter des films hollywoodiens. Il y a une explication beaucoup plus plausible que les rêves prémonitoires et les retours impromptus après abandon de famille. C’est David qui a porté Amélie jusqu’ici. C’est à lui qu’elle appartient cette eau de toilette. Pas à une personne absente depuis neuf ans. Il a dû vouloir faire des efforts dans son look et autre. Peut-être même qu’il veut séduire la fille de Vassiers ! Hum… Je n’ai pas du tout fait attention à comment il était habillé tout à l’heure… Je suis trop jeune pour ne plus regarder le gens, non mais ! Bon, là n’est pas le problème, demain j’irai lui parler. Je suis désolée, mais ça va me rendre dingue ce truc. Je n’ai pas encore la moindre idée de ce que je vais lui raconter, mais je trouverai. Je pourrais lui offrir quelque chose d’autre à la place… Ouais ! Je suis sûre qu’il y a une parfumerie dans le coin, je ne sais pas pourquoi… Tant pis, j’ai la nuit ou ce qu’il en reste pour réfléchir, le tout est qu’il se débarrasse de ce parfum.

Et si ce n’était pas lui ? S’il était revenu ? S’il y a un moment et un endroit au monde où un truc aussi improbable peut se passer, c’est ici et maintenant. Il savait pour de Vassiers, c’est moi qui le lui est dit. Bien sûr, ce n’est pas une raison suffisante, mais…

Faut que j’arrête de me raconter des histoires. Ça fait neuf ans que tout d’un coup j’ai la certitude qu’il est à deux pas de moi et qu’il va surgir de nulle part, me mettre les mains sur les yeux et me dire " Epouse-moi, je t’aime, je en peux pas vivre sans toi ". Rien de bien original, des rêves que je ne dois pas être la seule à faire.

Mais si, si cette fois, c’était vrai ?

Il faut que j’en allume une, je craque.

Erreur. Rappelle-toi que tu as arrêté Anouchka. Ouais. J’y crois. Non, ce qui est dit est dit. Stop. Trouve autre chose.

Je vais essayer de dormir. Après ce qui m’est arrivé, mes cachets ne seront pas de trop.

MANUELLA
Au milieu de l’ agitation de la troupe , Manuella , entre deux éclaircies matinales , étendait son linge sur la corde tendue entre les deux arbres qui abritaient sa roulotte .
Elle essayait de ne plus penser à la soirée angoissante de la veille …sans y parvenir …
Le principal , c’ est qu’ on ait retrouvé Amélie saine et sauve !
Elle savait bien qu’ il ne lui serait rien arrivé de bien grave à la petite , mais elle ne se sentit pleinement rassurée que lorsqu’ elle la vit dans les bras de David …

__ " Pauvre pitchoune …Qu’ elle était mignonne endormie dans cet arbre …Qu’ elle avait dû être terrorisée pour aller se réfugier tout là-haut ! …Mais quelle idée lui a prise de vouloir suivre cet homme jusque dans les bois !!… " repensa , malgré elle , Manuella .

Cet homme …son fils !!..Elle savait pertinemment qu’ il s’ agissait de son fils ! Ronaldo …Il n’ y avait qu’ une mère pour sentir ces choses-là …pour deviner que l’homme caché dans le labyrinthe ne pouvait être que lui ! Une mère lucide , extra –lucide même !
Elle avait eu encore un flash , pendant que tout le monde s’ agitait pour retrouver Amélie , mais elle n’ en avait rien dit à personne , avait décidé de se taire … pour les autres …ils ne fallait pas qu’ ils sachent que Ronaldo était dans les parages …
Seul Firmin avait semblé se douter de la présence de Ronaldo …Tous les deux ne s’ étaient pas parlés , juste regardés , mais Firmin avait définitivement compris quand il croisa le regard de Manuella .

__ " Mon Ronaldo carino … " soupira Manuella , " …mais que fais-tu par ici ?… Cela fait une éternité que tu ne m’ as pas donné de tes nouvelles ! …Je ne savais même pas où tu étais …Qu’est-ce qui t’as pris de vouloir approcher ta gosse et de prendre le risque de lui parler ? …Que tu dois souffrir de vivre loin d’ Amélie ! …pour en arriver là …
Mon fils obligé de se cacher … Mais POURQUOI ???
De toutes les façons , si tu ne cherches pas à me voir dans les heures qui viennent …c’ est moi qui viendrai à ta rencontre , où que tu sois ! On doit parler tous les deux ! Tu me caches des choses , je le sais , et cette situation a suffisamment duré !!!! FOI DE MANUELLA, tu vas m’expliquer !! " décida Manuella en secouant la tête et en maugréant , ce qui fit tinter ses anneaux d’ or à ses oreilles –très mauvais signe chez la gitane ! –

__ " Manuella ? Je te dérange ? "
La petite voix de Marie fit sursauter la bohémienne plongée dans ses pensées .
__ " Hé ! Petite … Tu m’ as fait peur , je ne t’ avais pas entendue approcher !
__ " Manuella , il faut que tu m’ aides … Dans quelques heures , je dois me retrouver dans le labyrinthe à jouer la diseuse de bonne aventure …et je n’ y connais rien … Donne-moi quelques ficelles du métier , sinon je vais être ridicule ! … "
__ " Viens , petite , entrons dans ma roulotte ! J’ avais justement besoin de me changer les idées … Tu sais , ce n’ est pas en quelques minutes que tu vas apprendre à lire l’ avenir aux gens !! …mais je veux bien déjà te tracer les grandes lignes …Pour les détails , on verra petit à petit , plus tard … Je veux bien t’ aider car je sais que tu possèdes le don et qu’ il ne te suffit que de savoir l’ exploiter … "

Tout en parlant avec de grands gestes ,
Manuella alluma quantité de bougies . L’ atmosphère qui régnait dans la caravane était devenue mystérieuse ; il flottait comme un nuage de surnaturel …
Marie avala une gorgée du café proposé par la gitane pour cacher son émotion ; Manuella l’ impressionnait …surtout quand celle-ci commença à étaler son jeu de tarots sur la petite table qui les séparait !

__ " Ne permets à personne de toucher ton jeu de cartes , juste pour couper …car il pourrait perdre le fluide dont il est imprégné ! …ton fluide … ! "
La gitane prit les cartes les unes après les autres et se mit à les interpréter ..
__ " Chaque carte a sa propre signification mais on ne peut l’ interpréter que par rapport à la situation des autres cartes qui l’ entourent … Par exemple , la carte de la mort …C’ est une carte très négative … "
Marie fit la grimace .
__ " Laisse-moi continuer ! Carte négative en principe ! …mais tout dépend des cartes sorties et posées à côté d’ elle ! …La carte représentant la mort , en fonction des cartes qui l’ entourent , peut tout simplement indiquer : Renouveau – Nécessité de repartir à zéro dans sa vie …Donc , elle peut être aussi une carte positive !
Tu interprètes les cartes qui te parlent , mais ensuite , elles ne te servent que de support …Ton don ensuite fait le reste ! Les cartes et leur situation serviront de déclenchement à des flashs … "

Elles firent un tour d’ horizon des diverses interprétations possibles .

__ " Maintenant , passons aux lignes de la main ! C’ est ce qui va te servir en priorité pour ton animation dans le labyrinthe …
Alors tu vois , tu as la ligne de cœur , la ligne de vie , la ligne de tête …Sur chaque ligne se dessinent des signes : des étoiles , des îles , des nœuds , des fourches ; ça se sont les réussites ou les accrocs de la vie …c’ est selon ! "

Marie resta deux bonnes heures à écouter la gitane ; deux heures où elle essaya de tout mémoriser …

__ " Pourvu que je me souvienne des leçons de Manuella tout à l’ heure dans le labyrinthe …
Heureusement , elle m’ a promis de voler à mon secours pour rattraper mes catastrophes … Elle restera pas trop loin de moi ! … J’ ai un trac , mais un de ces tracs !!! … "

Marie s’ en retourna à la rencontre du reste de la troupe . Elle mit sa main dans sa poche où elle avait enfoui précieusement un vieux jeu de cartes que Manuella lui avait confié …pour s’ entraîner …

ERNESTO
Pas moyen de fermer l'oeil de la nuit!
Ils n'avaient qu'à ouvrir notre cage et avec Pablo on l'aurait vite retrouvé, la "petite homme".
Evidement, pour ce qui est de la ramener ici... C'est pas dans nos habitudes! On préfére consommer sur place. Et ça n'aurait pas duré toute la nuit!
Pourtant quand, au milieu de la nuit, j'ai vu le "Bavard" revenir avec dans ses pattes la "Petite-homme" qu'ils avaient perdue, j'ai commencé à y croire à ma buena noché!
Quand il l'a déposée dans sa cage et qu'il est parti dormir dans la sienne, sûr de bientôt rejoindre l'autre dimension, j'ai même commencé à ronronner. J'ai redoublé de plaisir quand les autres, sans plus de vains bavardages, ont suivi l'exemple du "bavard". Miracle! Ils sont tous allés se coucher ET en silence!
Mais c'est fou ce que je suis naïf!
Pourtant ça fait dix ans que je les supporte, j'aurai donc dû savoir que ça pouvait pas durer.
J'avais juste attaqué mon premier cycle, qu'elle s'est repointée, l'ombre! Quoique je devrai plutôt dire "il", "Lui", l'homme du bois.
Oh, bien sûr il faisait tout son possible pour ne pas faire de bruit mais... Ce n'est qu'un Homme! Heureusement que les autres sont un peu dur de la feuille; ils ne se sont pas réveillés, eux!
En fait, ce n'est pas vraiment Eux qui m'ont empèché de dormir mais ELLE, la nouvèèèlle arrivée au cirque. Alors là, je comprends pas pourquoi ils ne se dépêchent pas de la bouffer... Vu l'odeur, ça ne m'étonnerai pas que la côtelette poilue et cornue ait dépassé la date de conservation. C'est une infection! Hier, Elle est passée en courant, tous poils aux vents, devant la cage en nous fixant avec des yeux exorbités. Pablo a pas supporté, il a vomi tout son déjeuner. Je vous dis pas comme il lui en veut! Ell'a pas intérêt à passer trop prés! Un déjeuner gâché..? il lui pardonnera jamais, le Pablo. Et franchement, ça serait une délivrance pour tout le monde, car c'est èèèèèèlle qui, toute la nuit, m'a empêcher de dormir!!

Je ne sais pas ce qu'elle broute, mais il faut qu'elle arrête de toute urgence!!
Toute la nuit, èèèèèlle a tourné sur elle-même en spasmodiant ses aré-krisna-des-paturages!
Et ce n'est qu'aux premières lueurs de l'aube, quand l'homme du bois est reparti que, l'apercevant elle s'est enfuie en zig-zaguant et à se heurtant à tout ce qui se présentait sur son imprévisible route.

Et bien sûr, avec tout le raffût qu'èèèlle a fichu... Les autres se sont réveillés!!!
Et c'est reparti pour un jour.

AMELIE

Ce matin, en me réveillant, je me suis demandée où j'étais. Y'avait Doudou tout à côté de moi, et j'étais dans mon petit lit douillet. Hier soir encore, j'étais sur ma branche, bien à l'abri de la nuit et du loup et ce matin, j'étais dans mon lit, chez moi, dans ma roulotte!

Je me suis levée et je me suis dit que là, j'allais sûrement me faire punir par maman. C'est vrai que c'était la bêtise la plus grosse que j'ai pu faire, cette histoire de labyrinthe et de forêt... heu enfin, une des plus grosses bêtises dont je me souvienne...
Quand je me suis mise à table pour boire mon bol de lait, j'en menais pas large!

Maman était là, assise, devant sa tasse de café fumant.
Elle disait rien. Et c'est ça qui m'a le plus inquiété. Elle criait pas comme d'habitude quand elle découvre une de mes nombreuses "aventures dangereuses" comme elle dit.
Non. Elle disait rien. Elle a juste levé ses yeux sur moi et elle est restée à me regarder sans rien dire du tout pendant un long moment.
Moi, je m'étais préparée à entendre ses cris, sa colère et la punition qui suivrait genre "privée de cirque!"...

Mais non. Y'avait que son regard et son silence.

Alors, j'ai pris une des tartines qui étaient à côté de mon bol de lait et je l'ai trempé dedans, sans rien dire moi non plus. Et surtout sans regarder maman.
J'étais mal à l'aise. Et puis, je comprenais pas pourquoi elle se fâchait pas. Ni pourquoi elle arrêtait pas de me regarder comme ça.

Au bout d'un moment, elle m'a appelé doucement. Ca m'a fait drôle parce qu'elle avait une voix toute bizarre, une voix toute douce, une voix que j'avais plus entendue depuis longtemps.

"Amélie, qu'elle m'a dit, Amélie, regarde moi s'il te plait".

Alors bien sûr, moi j'ai obéi, et je l'ai regardé.
Et là, j'ai vu ses yeux et surtout, j'ai vu son sourire!
Ca faisait si longtemps que je l'avais plus vu ce sourire là!
Ni ces yeux d'ailleurs! Des yeux avec tout plein de lumière à l'intérieur! Pas noirs comme quand elle se fâche, mais tout plein de lumière, comme des yeux de fée ou un truc comme ça!

Alors, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
Moi aussi je lui ai souri à ma maman.
Et on est resté là, bêtement, à se sourire.

Allez comprendre les grandes personnes! J'avais fait une des plus grosses bêtises de ma vie, et c'était juste à ce moment là que ma maman me donnait le plus beau de ses sourires!

Pftttt... ces adultes alors! Si j'avais su, je l'aurai faite bien plus tôt ma bêtise!

JOJO
Entre deux coup de folie, je me suis réfugiée dans mon homeroulotte. C’est qu’en venant dans ce cirque je ne m’attendais pas a autant d’aventure, a autant d ‘émotion, le labyrinthe a côté c’est de la gnognotte. Enfin je ne me plains pas, la vie c’est l’aventure, mais là tout de suite j’avais besoin de me remettre de toute ses émotions. Un petit test a la con du genre êtes vous toujours honnête avec vous même ? ou avez vous l’âme d’un conquérant(e) m’aurait tout a fait convenu, il faut juste que je réfléchisse a compter les triangles, les ronds, les carrés, et qu’ensuite je ne me trompe pas , mais qu’est-ce qui pourrais arrêter Jojo, hein ? Donc pour l’heure assez tardive du reste, je me retrouve allongée de tout mon long sur ma couchette, mes pieds dépassent largement c’est certain ! Faute de test je me rabat sur un de mes livres préféré " tout le monde est occupé de Christian Bobin " j’aime bien y souligner quelques passage, et comme par hasard je n’ai pas mon crayon. Sur ma table de nuit non plus il ne s’y trouve pas… mais ou ai-je bien pu le laisser…. BON il va falloir que je cherche, je vais chercher dans les tiroirs, un tiroir c’est magique. Les miens en tout les cas, j’y fourre un peu tout, j’oublie très rapidement ce que j’y ai mis, ce qui fait que je retrouve des mois après le carnet de timbre, la bague de mes vingt ans, un mots de quelqu’un, un numéro de téléphone, enfin les tiroirs sont a l’image de ma tête en l’air. Dans le premier tiroir qui y a t-il ? ? ? ? ah ahahahahah ! ! ! des couteaux, des fourchettes, des petites cuillères, un ouvre boite, et oh surprise une piece de 1 euro, c’est a n’en pas douter le tiroir de la cuisine, et il n’y a pas mon petit crayon mémoire de phrase. Mais jojo c’est moi, ne se découragera pas au premier tiroir non mais !
Je vais donc dans le tiroir de l’armoire a linge, nous y rangeons nos serviettes Elysabeth et moi . Mais ce tiroir n’est pas a mon image, c’est un tiroir a miroir d’Elisabeth, ou lalalala, vite je le referme, car c’est très mauvais d’ouvrir un tiroir qui n’est pas a soi, c’est très dangereux, car on risque de chasser l’âme qui s’y trouve. D’autant plus grave qu’il est formellement interdit de chasser l’âme d’un tiroir qui ne nous appartient pas, de graves sanctions s’imposent, tel que des remords a vie, des secrets indiscrets qui vous crachent a la figure, et je suis sûre que ça ne fait pas du bien un secret qui vous crache a la figure. Mais pas de chance pour moi, mes yeux ont eu le temps d’apercevoir un visage dans le tiroir, un visage que je vous raconte pas tellement il est beau, mes yeux ont eu le temps de traduire cette image jusqu’à mon cerveau, et mon cerveau très communicatif ne s’est pas privé de livrer l’image a mon cœur. ET MON CŒUR IL a fait un bon ! Oulalalalala comment faire ? ? ? il me faut en avoir le cœur net, car après tout, mes yeux un peu fatigués se sont peut-être leurrés sur le sourire qui émanait de se visage….je vais donc rouvrir le tiroir en apnée, très vite . J’ouvre , je vois , je revois, je conclu ; il ne s’agit pas d’un rêve, je vois bien le visage d’un homme particulièrement beau, enfin son sourire est beau, il est vif, spontané, sans pudeur, nature, il doit aimé aller a la pêche a la truite ce sourire ….
OH Elisabeth pardonne moi ! et voilà ! me voilà dans le remords du tiroir ouvert . Et en plus j’ai même pas vu si ce tiroir avait bouffé mon crayon mémoire de phrase.
JE retourne sur mon lit, avec un secret qui ne m’appartient pas et en plus sans mon crayon, y’a des soirs je ferai mieux de dormir moi !

FIFI DE JOHANNE

Bêêêê de sale temps pour les caprins !

J'étais encore là, l'autre soir, à prier pour que ce cirque s'en aille, que Monsieur Charles est venu me voir, dans la grange...
Moi je croyais qu'il allait m'en vouloir de mon lait tari, et que je lui avais préparé à MON Monsieur de Vassier, une explication pas piquée des vers à fromage !
Que je lui aurais dit, MOI FIFI, l'effet que ça me fait, ces regards affamés des jaguars quand je passe devant leur cage, et le choc que j'ai eu quand MA Johanne m'avait disparue ! Et puis je lui en aurais bêlé d'autres et des meilleures, à Mon Monsieur Charles, et qu'il m'aurait comprise, LUI, parce qu'il me comprend toujours, LUI, mon châtelain et maître !!!

Et bien non,... il m'a pas grondée, Monsieur Charles,...il m'a caressée un peu,...doucettement. D'un geste de tendresse à la Monsieur Seguin dans ses meilleurs moments. Et même que dans le noir de la grange, j'ai cru voir une larme sur sa joue, ... et puis que sa main elle tremblait un peu dans mon pelage,...et puis que sa voix elle était toute mohair-feutrée, quand il me parlait ...

Bêêêê de prairie noyée sous le déluge !

Oui, il m'a parlé, à MOI, Monsieur Charles, même si vous le croyez pas quand je vous le répète. Et pourquoi on parlerait pas à une chèvre, hein? J'vous le demande. Vous parlez bien à votre inspecteur des impôts, VOUS, des fois !!!
D'ailleurs, Monsieur Charles, ça m'y fait repenser, il m'a parlé des impôts, au fait,... et puis des sous, enfin des euros, comme on dit maintenant, et puis il a dit "comptable", Monsieur Charles et il a dit "faillite", et tous des trucs comme ça avec des chiffres et des chiffres, que je me les rappelle plus exactement, parce que MOI la chèvre, je l'écoutais plus vraiment, mais que je le regardais et que je voyais bien encore une autre larme sur son autre joue, et que j'en bêlais plus une, tellement qu' sa tristesse elle me prenait des cornes aux sabots, et que j' me disais que tout ça c'était pas fait pour arranger nos fromages, et que j'aurais pleuré, MOI AUSSI, si les chèvres ça avait le droit de le faire, mais que ma grand-mère du Tibet, elle me l'avait TOUJOURS interdit, "tu pleureras jamais, ma petite fille chevrette", qu'elle me disait avec cette fierté dans les yeux sous sa frange, et que j' savais plus quoi faire, MOI, pour que MON Monsieur Charles il soit comme avant. Comme avant que ce cirque il débarque, parce que j'le redis, MOI FIFI, que ce cirque il est notre PORTE-MALHEUR !!!

Bêêêê de yogourt super light !

J'le savais un peu, remarquez, qu'ça allait plus trop, au château, ces temps-ci...J'sais pas pourquoi, une intuition bouquetine, peut-être, ... et puis j'le voyais bien qu'on m'donnait plus mes vitamines et que j'avais plus droit, le dimanche après la messe, à mes feuilles de chou tendre, et puis tous ces trucs, vous savez, ceux qui font la vie plus belle quand on est riche, tous ces trucs qui avaient disparu, petit à petit, comme par mystère mystérieux ...

Que le Dieu du Roquefort A.O.C. nous entende !

Faut qu'ça s'arrange, et plus vite que ça !!!
Qu'est ce qu'elle deviendrait, MA Johanne, sans un sou, enfin, sans euro ? ELLE, ma princesse de château, qu'est-ce qu'elle ferait, hein ? Ma toute petite et si jolie,... ma doucette, ...ma pousse tendre, ... ma pâquerette ...

C'est le diable de la tome de vache qui rôde au château nous apporte toute cette tristesse !!! Et qui donne si mauvaise mine à Monsieur Charles !
Je l'ai croisé, mon châtelain et maître ce matin, dans le labyrinthe. Il allait comme un chevreuil en plaine, tout pâle, tout pâle, et qu'il m'a même pas regardée, en passant près de moi, que j'étais comme une chèvre de plus personne, et que j'en ai pleuré un peu, et merci de pas le répéter s'il vous plait que j'ai pleuré un petit peu, parce que ça, c 'est une confidence de chèvre, et que ça se redit à personne ces choses-là. Vous m'entendez : à PERSONNE !

FIRMIN
Firmin venait du labyrinthe. Tout se passait à merveille. Chacun tenait sa place. Les émotions de la veille étaient passées. On avait retrouvé Amélie. Mais Firmin n’était toujours pas serein. Ronaldo dans les parages, il ne pouvait pas être serein. D’autant plus qu’il était dans ce chateau qu’il a fuit il y a quelques années maintenant.

Comme prévu, Firmin devait observer les numéros de ceux qui n’étaient pas dans le labyrinthe. C’est à dire Michelle et Youri, les trapézistes et Lisa la dompteuse. Depuis la mort de Raphaël, Firmin n’arrivait pas à parler au couple de trapézistes. Les doublures de Raphaël et Caroline. Il savait que c’était cruel mais il leur reprochait de ne pas avoir pris la place de son fils adoptif ce soir-là. Cela faisait que les trapézistes s’étaient un peu isolés, dans le cirque. Ils avaient une place à part. Une fois, Firmin avait lu de la colère dans le regard de la douce Michelle car les reproches silencieux qu’il leur faisait sans cesse semblait la toucher au plus profond. Peut-être, se dit Firmin, qu’elle ressent vraiment de la culpabilité vis à vis de moi. C’est peut-être pour ça qu’ils se mettent souvent à l’écart. C’est peut-être aussi pour ça qu’ils ne parlent jamais à Caroline ou à Anoushka.

Elles étaient d’ailleurs toutes les deux sous le chapiteau à observer le numéro des trapézistes. Le visage d’Anoushka montrait presque du dégout tandis que les yeux de Caroline semblaient sur le point de pleurer.

Firmin avait du mal à penser au cirque depuis leur arrivée. En ce moment, il pensait plutôt aux femmes de sa vie. Manuella, bien entendu, à qui il dirait ce soir que leur histoire devait finir. A Mélissa. Et aussi à Jeanne. La revoir auprès de Charles lui avait retourné le coeur. Que se serait-il passé si Jeanne et lui avait continué ensemble, et malgré la colère de son frère ? Il ne serait sans doute jamais devenu directeur de cirque. Il habiterait peut-être encore le chateau. Et il n’aurait pas connu Mélissa. Il n’aurait pas eu Anoushka, qui n’aurait pas eu Amélie. Quel aurait été le mieux ?

Jeanne et Charles avait une fille. Julie de Vassiers, et une petite-fille, Johanne de Vassiers. Exactement comme lui.

Anoushka s’approchait de lui mais il ne la vit qu’au moment où elle lui adressa la parole.

-Cet homme, ce Charles de Vassiers. C’est ton frère ?

Firmin ne se tourna pas vers sa fille.

-Oui.

-Pourquoi ne m’as-tu pas présenté ? Tu as honte de ta famille ?

Firmin paraissait surpris.

-Non, bien sûr que non. Pourquoi me dis-tu cela ?

-Parce qu’il faut que je te le demande pour que tu me dises que j’ai un oncle, une tante, une cousine, une nièce!

-Ces gens-là ne faisaient pas parti de la famille depuis longtemps.

-C’est toi qui l’a décidé, ça. Pas moi. Amélie a perdu sa grand-mère et son oncle. Tu ne crois pas qu’elle aurait aimé connaitre sa cousine et son autre famille, à ce moment-là ? Tu ne crois pas qu’il aurait été préférable de l’éloigner du cirque un moment ?

-Amélie s’en est très bien sortie et tu le sais.

-Et moi ? Pour moi ? Pourrais-tu un jour penser à moi ? Je ne t’en veux même pas, papa, j’ai pris l’habitude.

En entendant Anoushka l’appeler papa, Firmin se rendit compte que leurs rapports n’étaient plus vraiment des rapports père-fille. Comment cela était-il possible ?

-Je suis désolé. Anoushka. Sincèrement.

Sa fille ne le laissa pas poursuivre.

-Il est ici, n’est-ce pas?

Firmin n’eut pas besoin de demander de qui il s’agissait. Il ne voulait plus mentir à sa fille.

-Oui, il est là.

-Pourquoi ?

-Il veut voir sa fille, je crois...

-Et moi ? Non, lui non plus ne s’intéresse pas vraiment à moi.

-Détrompe-toi, Anoushka.

La conversation fut coupée car le père de Johanne venait d’entrer sous le chapiteau et il se dirigeait vers Firmin.

-Monsieur Firmin. Je dois vous parler d’une chose très importante.

Firmin regarda fixement la père de Johanne qui avait l’air très sérieux.

-Très bien, je vous suis.

ANOUSHKA
Je crois que monsieur machin-chose " Je dois vous parler d’une chose très importante " devrait remercier le laboratoire qui fabrique mes médicaments. Parce que si je n’avais pas la très désagréable impression qu’un troupeau de licornes ailées prend mon cerveau pour piste de décollage, et que franchement elles sont pas douées (les licornes) parce que ça fait des heures qu’elles se ramassent lourdement sur le sol (alias ma matière grise) au lieu de s’envoler vers des cieux où elles pourraient chercher longuement si j’y suis, je crois que j’ aurais gentiment fracassé sa petite tête de snobinard de campagne à monsieur de la plus haute importance.

Cinq minutes pour moi, c’est trop demander dans le décompte hyper-sérieux de l’horloge universelle ? Cinq minutes pour Anouchka, c’est quand même pas très compliqué. Sept ans et huit mois que j’attends des nouvelles de lui. Sept ans et huit mois. Alors les choses très importantes, elles peuvent attendre cinq minutes, non ? Monsieur truc (faudrait que j’apprenne son nom quand même, c’est… mon cousin par alliance ? oula ! je devrais pas me lancer dans la généalogie le jour de la migration des licornes) il apprécierait que je le fasse attendre sept ans (je lui fais grâce des huit mois – miséricorde sans doute due au passage des licornes- ) des nouvelles de sa femme (ou de sa maîtresse – pourquoi toujours imaginer que les autres vivent la parfaite réussite sentimentale que j’ai pas trouvée ?) ? Hein ? Je vous le demande !

Il est revenu… Stop ! C’est pas parce que tu as arrêté de fumer que tu dois… " détériorer " (reste polie, même en pensées) ta manucure qui, franchement, est un modèle de réussite (tu parles, quand on est insomniaque, on a le temps de devenir des pros de la manucure !). Zen…...

Il veut voir sa fille, c’est merveilleux. Je savais bien que j’avais pas pu tomber amoureuse d’un type capable d’abandonner sa fille…

Oui ! Par contre, c’est tout à fait possible que tu sois tombée sur le prince charmant qui, après sept ans et huit mois d’absence, ne passe même pas faire un petit coucou à Cendrillon. Et s’il était marié ? Une femme sublime, d’autres gamins… Et s’il voulait me retirer Amélie ? Il peut pas faire ça ! Mon Dieu ! Je pourrais pas vivre s’il fait ça, je pourrais pas. Et Amélie… Même si je suis nulle comme maman, elle a besoin de moi ! Y a que moi qui sais lui préparer son chocolat chaud, pas trop chaud d’ailleurs, avec juste ce qu’il faut de cacao et beaucoup de sucre, mais surtout pas du cacao déjà sucré, parce que le cacao amer c’est meilleur, quitte à rajouter le sucre. Personne ne peut lui faire ses nattes non plus, en faisant bien attention à ne pas tirer sinon elle a mal à la tête, mais en attrapant tous les petits cheveux qui s’échappent si facilement puisqu’elle a exactement les mêmes cheveux que moi en bruns. Et puis il faut savoir qu’elle a une peur bleue de la piscine (encore un truc héréditaire ?) mais que ça passe si on lui met une de ces ceintures qui font flotter, en laissant tous les flotteurs (parfois faut demander au maître nageur qu’il en rajoute), et que par contre elle déteste les vraies bouées parce qu’une fois elle a bu la tasse avec. Elle a absolument besoin de moi quoi !

J’ai pas aimé grand monde dans ma vie… Certaines de mes copines je crois, pas toutes mais certaines, Ronaldo, et Amélie. Mais mes copines sont à des centaines voire des milliers de kilomètres, un téléphone portable greffé à l’oreille, une esthéticienne pour chaque main pendant qu’elle répètent " Oui Raoul, mettez tout sur les compagnies d’assurance. Hum, hum, quoi ? chute libre après l’élimination de la France au mondial ? Mais les gens sont des bœufs ! Raoul, évitez-moi le crack boursier, de grâce ! ". Je suis pas certaine certaine qu’elles accepteraient de me reconnaître… Ronaldo est parti, en me laissant seule découvrir les tailles quarante-huit à cinquante-deux, et en brisant l’illusion du bonheur parfait que j’avais quand on vivait ensemble. Il m’a laissé Amélie, le cadeau inespéré, la petite personne la plus merveilleuse au monde, la seule preuve aussi qui existe de notre amour avec Ronaldo. C’est pour Amélie que je me lève le matin. C’est pour elle que j’ai arrêté mes " imbécillités " profondes. Il peut pas…

Non, pas lui. C’est de la folie d’imaginer ça. Il a fait des conneries, je l’ai toujours su. Mais c’est pas un monstre. Il est comme moi, en décalage avec tout le monde, mais c’est tout. Il ne nous fera pas de mal. Ni à moi, ni à Amélie.

Et qu’est-ce que m’a dit mon père quand j’ai reproché à Ronaldo de ne pas vouloir me voir ? Oh ! Mon Dieu ! Et s’il m’aimait encore ? Et si … Ce serait…

Non, non, je dois pas penser à ça. Si je me trompe, la déception sera trop douloureuse. Mais quand même…

Oh ! Ces licornes ! Marre moi des animaux mythologiques hein !

MIGUEL
Miguel était rentré se coucher. Arthur, avec qui il partageait la roulotte, avait été épuisé par les derniers événements de la soirée. En moins de cinq minutes, il tomba dans un profond sommeil et se mit à ronfler. Miguel avait l’impression que quelqu’un faisait rugir un moteur de Harley à ses cotés. Ne pouvant trouver le sommeil, il s’abandonna à des réflexions sur les sentiers tortueux de son passé. Le magicien était content d’avoir pu contribuer à sa manière à retrouver la jeune Amélie. Il était d’autant plus content qu’il n’avait pas oublié le temps où il s’appelait Aristo Bandero....
... Mais comment pourrait-il oublier qu’il y a presque vingt ans déjà, c’est Firmin qui a offert son premier contrat à Aristo Bandero. Il lui avait fait confiance pour occuper un poste de magicien dans une tournée d’été qui devait durer 4 mois. Aristo n’avait aucunes qualifications, mais il avait suffit de quelques instants pour que Firmin s’aperçoive que le jeune homme qui se trouvait devant lui était déjà très doué.
Depuis sa plus tendre enfance, il avait la magie dans le sang et un jeu de cartes dans sa poche pour impressionner ces camarades de classe . C’était son unique passion, et comme il s’y était donné à fond, il avait progressé de façon spectaculaire durant son adolescence. Tous les soirs de cet été passé au cirque de Firmin, il sortait sous l’ovation d’un public admiratif et ce, au point de faire de l’ombre aux autres membres de la troupe. A la fin du mois d’août il était devenu le clou du spectacle.
Puis par un soir d’orage, peu de temps avant la fin de la tournée, Jean Richard en personne était venu trouver Aristo pour lui proposer une emploi permanent de magicien vedette dans son cirque. Il ne pouvait pas refuser une telle proposition. Il alla donc trouver Firmin pour lui annoncer son départ dès la fin de son contrat. Aristo avait été surpris et admiratif de l’attitude très noble de Firmin. Non seulement ce dernier ne l’avait pas injurié pour l’avoir laissé tomber si rapidement une fois le succès venu, mais en plus, il avait encouragé le jeune homme à poursuivre dans cette voie, lui promettant un bien bel avenir.
Mais Aristo ne s’arrêta pas là, sa notoriété allait grandissante d’année en année. On commença à l’inviter à des émissions de télévisions. Il faisait l’admiration des petits et des grands. Mais il lui fallait évoluer, progresser, toujours progresser.
Un soir, à l’occasion d’une émission à laquelle il avait été convié, il fit la connaissance de Marc Alban, psychanalyste bien connu et reconnu. Ils ont très vite sympathisé. Son nouvel ami était un fervent admirateur de Sigmund Freud, dont il partageait les théories. Il enseigna à Aristo les différentes techniques d’hypnose de façon à diversifier ses tours. Le public est très friand de ce genre de choses.
Aristo était devenu une star extrêmement riche. Mais il avait perdu le goût sucré de son enfance, il donnait plus dans le show que dans la magie, dans le démonstratif que dans le féerique. Il pouvait faire avouer n’importe quoi à n’importe qui. Nulle personne plongée dans un état hypnotique ne pouvait résister à ses questions.
Il était demandé partout. Il était réclamé par tous, la preuve, il y a cinq ans, la police l’avait contacté. Il accepta, par jeu ou par défi au dire de certains journalistes, de leur servir de consultant dans des affaires d’enlèvement, un profiler d’un genre nouveau en quelque sorte. Oui il accepta, mais surtout par souci d’aider les autres, par souci de se sentir enfin utile à quelque chose.
Si on lui refaisait la même proposition aujourd’hui donnerait-il la même réponse ? Vraisemblablement que oui, mais il n’en était plus sûr, car depuis, il y a eu la petite Catherine Froissard.
Catherine était une fillette de cinq ans dont le père n’était autre qu’un député du Calvados. Son enlèvement fit grand bruit à l’époque, c’était un 15 juillet, il y a deux ans. La rançon avait été payée, mais la jeune fille n’avait jamais été libérée.
La police pataugeait, l’enquête piétinait, Il y avait bien un dénommé Jean-François Lemercier, surnommé Jeff, qui faisait office de suspect numéro 1. Mais personne ne pouvait rien prouver, alors on fit discrètement appel à Aristo pour l’interroger. Et dans le sommeil dans lequel il fut plongé, le suspect avoua avoir tué l’enfant, il donna tous les détails de l’enlèvement ainsi que l’endroit où se trouvait le corps de l’infortunée gamine. Forte de ces précisions, l’enquête avança à pas de géants. Cependant on ne retrouva jamais les complices de Jeff. Pourtant des complices il devait bien en avoir pour monter un coup pareil.
Aristo se souvient du procès et de Jeff Lemercier hurlant à qui voulait l’entendre qu’un jour il tuerait le magicien.
Oh !, Certes !, Les flics lui avait promis une nouvelle vie. Mais Arsito n’en avait pas voulu, comment vivre terré dans un trou quand on a mené la vie qu’il avait eu. Il avait cependant consenti à accepter une légère chirurgie esthétique visant à modifier les traits de son visage.
Or il y a quatre mois, Jeff s’est évadé.
Depuis, Aristo se cache de ville en ville, de port en port, sous le faux nom de Miguel Maestro. Quand par hasard il apprit que le cirque de Firmin se trouvait dans la même ville que lui et que ce dernier recherchait des nouveaux talents, sa décision fut immédiate. Firmin était dans le besoin, Miguel se devait d’aider à son tour celui qui lui avait mis le pied à l’étrier. Et puis, si Firmin ne le reconnaissait pas, alors il n’avait rien à craindre de Lemercier.
Mais Firmin ne l’avait-il pas reconnu le jour de l’entretien ?
Difficile d’en être sûr et certain. Le regard de Miguel n’avait pas changé et Firmin l’avait longuement fixé dans les yeux. Le doute l’avait envahit, un léger sourire lâché par son ancien et nouveau patron à la fin de leur entretien avait jeté le trouble dans son esprit...

...Arthur se retourna en grommelant.

-" Zut ! ", murmura Miguel, " n’aurais-je pas pensé tout haut ? Décidément il faut que je me méfie de tout, même de moi-même. "

Sur cette dernière réflexion, le sommeil le gagna à son tour.

RONALDO
"Pablo? Non c'est sûrement Ernesto. Tu m'as reconnu toi? ... Bien sûr!
Toujours à veiller sur le cirque? Chut, ne me trahis pas. Je vais voir Anoushka et Amélie. Il faut qu'elles sachent, mais ça ne regarde pas les autres... pas pour l'instant!
Ah si tu pouvais parler... tu dois en connaître long sur nous tous depuis le temps que tu nous observes de ta cage. Allez rendors-toi Ernesto, il n'y a rien à craindre cette nuit... enfin j'espère! En fait j'en sais rien! Ca ne dépend pas vraiment de moi...
Allez Ernesto, souhaite-moi bonne chance et buena noche amigo."


Toc-toc... toc-toc-toc.
Toc-toc... toc-toc-toc. "Anoushka?"
Toc-toc... toc-toc-toc. "Anoushka répond! c'est moi! Ronaldo!"
Toc-toc... toc-toc-toc. "Anoushka?" Tiens! La porte n'est même pas verrouillée, c'est bien elle ça. Toujours à s'inquiéter pour les autres et à leur recommander la prudence et elle dort la porte ouverte!
"Anoushka...? Tu dors? ...Anoushka?"
"Anoushka? Réveille-toi Anoush..." késako? Des cachets? Des somnifères! Combien? ...Ca va, le tube est presque plein.
C'est bien ma chance. Depuis le temps que je m'imaginais ce moment. Tous ces mots à te dire et à entendre. Tout ce temps qui ne se rattrape pas mais qui pourrait devenir un autre temps. Et toi tu dors... avec Amélie, mon Amélie, ma petite.
Elle te ressemble. Elle a ta bouche et ton menton. Et ses yeux sont les mêmes que Manuella. Et ce petit nez...? je ne sais pas. Pas le mien en tous cas et heureusement pour toi Amélie. Tu en feras tourner des têtes plus tard...
Décidément, tu n'as rien de moi. Pas même un souvenir.

Sais-tu au moins que j'existe, Amélie? Qu'est-ce qu'on a bien pu te raconter sur moi? Il a bien fallu qu'on réponde à tes questions d'enfant. Et tu as dû sûrement en poser beaucoup car tu sembles avoir la langue bien pendue!
Qu'as-tu répondu, Anouchka? Que j'étais parti sans raison? ...Mort, peut-être?
Ou est-ce Firmin qui t'as renseigné à mon sujet, petite? Je crains le pire. C'est un beau-père pire qu'une belle-mère!

Huit ans déjà! Toute ta vie... et un peu plus.
Il en est passé de l'eau sous les ponts... et pas toujours de la très claire!
Ca m'a même valu un petit séjour de "Santé". Firmin serait content s'il apprenait ça! Mais sans bagage, ni même un baluchon, il m'a bien fallu survivre et la faim justifiait les moyens, à mes yeux. On ne m'avait pas fait de cadeaux, alors pourquoi en aurais-je fait? Je ne savais pas que la vie m'avait fait le plus beau des cadeaux... toi, Amélie.
Amélie... je n'ai même pas choisi ton prénom... et toi connais-tu le mien?

Vingt-huit mois derrière les barreaux c'est long, surtout quand les autres sont au parloir et que toi, tu restes seul dans ta cellule. Alors, tu gamberges. J'avoue que le cirque est une bonne école. Le métier est pénible mais il forge le caractère et apprend à se remettre en question en permanence. C'est sûrement ça qui m'a sauvé, contrairement à tous les autres qui sont ressortis plus loups, voire chacals, que quand ils étaient entrés.
Je ne dis pas qu'au début... mais ce n'est pas sur la vengeance que l'on rebattit une vie et encore moins une famille.
A ma sortie j'avais des projets, mais les moyens me manquaient. Et puis au fil de petits boulots et de stages d'insertions, de qualifications et autres vagabondages sociaux, j'ai atterri ici.

Sûr qu'on n'est pas du même monde, mais pour des aristos... sont plutôt cools.
De toute façon, chacun y trouve son intérêt. Moi, j'ai un boulot, et eux, ils m'ont pour pas cher. Je crois qu'ils ont même touché une prime quand ils m'ont embauché. Cela a dû leur permettre de payer quelques ardoises pour le toit du château ou d'épiciers, car s'ils ont le titre, côté finances, ils sont plus près du RMI que des Rothschild.
Et dans un sens tant mieux. Leur malheur fera peut-être notre bonheur, et si tout va comme je l'espère, nous pourrons leur retourner l'ascenseur.

C'est marrant quand j'y repense, tous ces mois à réfléchir, à imaginer... et l'idée n'est pas de moi. Au départ, je crois que c'est le vieux châtelain qui l'a eût en voyant mon "cv" et c'est pour cette raison qu'il m'a embauché.
En tous cas je me rappelle qu'il est resté un bon moment pensif après avoir lu mes "références". Moi je croyais que c'était râpé, et qu'il cherchait comment me le dire. Allait-il me sortir les éternels refrains ou trouver quelque chose d'original? Avec le temps, c'était presque devenu un jeu pour moi, je leur donnais même une note... Et la moyenne était basse! Mais là franchement, il m'a scié l'aristo!
Après un poli "veuillez m'excuser quelques instants", il sortit et me laissa seul dans cette immense pièce qui semblait faire office de bureau, de bibliothèque et même de grange.
Il y avait, et il y a toujours, un souk pas possible; des masques africains, une roue de loterie, des armes blanches de toutes sortes et de toutes origines; des flèches, des sagaies, des épées, des sabres japonais, des fléaux d'armes... quelques photos de famille et aussi du château et même des tableaux, comme dans les films: la galerie des ancêtres. Toute une ribanbelle d'enrubanés dont un en particulier qui m'a bien fait rire car, avec ses anglaises et sa dentelle, il ressemblait beaucoup à Firmin. Et puis partout des bibelots, des statues et des vases de toutes tailles et de tous styles, le tout noyé dans des piles de dossiers, de cartes géographiques, de plans d'architecture, de bouquins et paperasses diverses.
Le mobilier avait dû être acheté au fil des générations car chaque meuble était d'époque mais jamais la même. Aussi je ne fus pas vraiment étonné de voir dans un coin, une armure des plus médiévales et en face d'elle un engin agricole d'avant guerre, qui, je l'appris plus tard, servait à ramasser les foins dans le "temps", celui de l'enfance du "vieux". Au milieu de ces deux tas de ferraille: un billard... sans trou... un français. Apparemment personne n'y avait joué depuis un moment, car lui non plus n'avait pas échappé au foutoir ambiant. Sur le billard, maintenu à chaque coin par un cendrier, un chandelier, une boite à musique et un maillet de camping: un plan de jardin. Ou plus exactement, le plan d'un labyrinthe végétal au milieu d'un parc à la "Versailles".

En d'autres temps, j'aurais sûrement récupéré un ou deux "souvenirs", histoire de ne pas avoir fait le déplacement pour nada, mais plus maintenant. Et puis, étant donné qu'il avait vu mon pédigré, je me suis toujours demandé si ce n'était pas un test. Quoiqu'il en soit, c'est à la même place et quasiment dans la même position que le "vieux" me retrouva quand il revint accompagné de sa fille, qu'il me présenta.

C'était "dame Julie", sa princesse et héritière. Une sorte déesse aux yeux du père, et aux miens, une assez jolie meuf apparemment un peu timide et embarrassée par les compliments du papa et surtout par le grand plateau qu'elle tenait et qu'elle ne savait pas où poser.

-"Ce ne sont point les bonnes us et coutumes que de solliciter son invité, mais si vous pouviez m'aider à débarrasser ce guéridon afin que ma fille puisse déposer son fardeau, je vous en serai gré."

-"Euh... Pas de problème. Et je mets tout ça, ...où?" Bafouillais-je.

-"Ma foi.., là où bon vous semble. Ce sont des projets de rénovation du château ainsi qu'une multitude de demandes de subventions après d'organismes peu ou prou inféodés au ministère de la culture et tout particulièrement au patrimoine national. Malgré énormément de temps consacré et d'énergie gaspillée, je crains fort que tout espoir de mécénat soit vain et qu'il nous faille envisager d'autres solutions."

-"Alors je peux peut-être les poser sur ces pots de peinture, près de la fenêtre? Ca ressemble aussi à un projet en attente. Enfin... ça ne me regarde pas!"

-"N'en croyez rien, jeune homme" dit le châtelain en époussetant le guéridon avec son mouchoir brodé. "C'est même en partie pour cela que je vous engage... Si toutefois entrer à notre service vous sied."

J'entravais que fifre à la moitié de ce que jactait l'aristo, mais j'avais quand même pigé le sens général qui se résumait à ces mots: je vous embauche pour refaire les peintures!

-"Eh bien, jeune homme... Que décidez vous?" Relança-t-il tout en aidant sa fille à déposer prudemment le plateau sur le guéridon qui s'avérait un peu juste.

-"Euh... oui, je veux bien", dis-je en pensant que de toutes façons c'était le but de ma visite au castel et que mes finances ne me permettaient pas de faire la fine bouche, "mais c'est pour quel travail exactement? Parce que l'offre d'emploi était assez floue à ce sujet...?"

-"Effectivement, cependant il était mentionné que nous recherchions quelqu'un d'extrêmement polyvalent.
C'est à dire, continua-t-il en voyant que je ne comprenais pas davantage ce qu'il attendait de moi, qu'il ne s'agit pas d'UN emploi mais, disons, de divers petits travaux à effectuer. Cela ne demande guère de qualifications particulières mais nécessite néanmoins des qualités de "touche à tout" et un certain sens de l'adaptation. Aux vues de votre parcours professionnel au sein d'un cirque ainsi que vos... aventures passées, j'estime que vous possédez les compétences requises.
En vérité, dans les premiers temps, nous avons besoin d'un garde-champêtre car nos bois ont quelques gibiers, essentiellement des cervidés, que convoitent quelques braconniers. Rassurez-vous, il n'y a point de danger. Comme tous ceux du canton, nous connaissons les deux infâmes qui se livrent à ces brigandages, et je puis vous assurer que votre seule présence suffira à décourager ces couards de venir exercer leurs coupables méfaits. Vous avez ma parole."

Milord avait eu raison. Ma présence dans la forêt, épaulée par les rumeurs qui avaient vite couru sur mon compte, ne m'a jamais permis de voir ces grands "despérados des bois", ni grand monde en général, sauf quelques rares cueilleurs de champignons et bien sûr: la marée-chaussée locale!
Tu parles...! Une espèce de manouche qui sort de tôle et qui vit comme un sauvage au milieu des bois, ça passe pas inaperçu dans les bleds. Il en faut pas plus pour faire manger la soupe aux mômes, dans les chaumières. "Si tu finis pas ta soupe, le gitan viendra te prendre!!!", et sûrement que je devais les revendre ou les croquer tout cru...
Mais, avec le temps et surtout l'appui du big-boss, ça c'est un peu calmé, il y en a même qui me disent bonjour quand je vais chercher mes clops au patelin.

-"Comme par conséquent, vous n'aurez pas vraiment d'oeuvres, je souhaiterai que vous unissâtes vos forces à celles de ma fille, de mon gendre et de moi-même, afin de planter les végétaux qui nous permettrons de créer notre labyrinthe si désiré et porteur de tous nos espoirs.
En effet, nous prions pour que celui-ci attire moult gents et s'il plait à Dieu et à Diable, cela nous permettra de commencer les travaux de rénovation du château et de le faire visiter, lui aussi. Ainsi, nous espérons produire un effet "boule de neige" qui renflouera les caisses et qui sauvera non seulement le domaine mais aussi la famille."

-"Présenté comme ça, je ne peux qu'accepter votre offre, m'sieur... le conte? My lord?"

-"Hahahahaha! Non non, ne nous encombrons pas de "chichi" entre nous, vous faîtes dorénavant partie du château. Monsieur suffira, ou plus simplement, Charles.

-"Bon, ben... OK, m'sieur Charles"

-"A la bonne heure, tope-la, mon garçon, comme on dit par ici! Pour les formalités, vous verrez cela avec ma fille.
Vous prendrez bien une tasse de thé pour fêter notre accord?" Conclut-il en me désignant une chaise près du fameux plateau. "Il y a aussi un savoureux cake que fait ma fille. Goûtez-y et je suis certain que vous conviendrez avec moi que Julie est une excellente pâtissière".

Sûrement grâce à ce fameux sens de l'adaptation qu'avait détecté en moi le "vieux" et bien qu'à la place "j'eusse de préférence opté", comme qui dirait l'autre, pour une boisson plus fraîche et qui mousse, je répondis hypocritement: "Avec grand plaisir, merci."
Et c'est ainsi que je fus embauché.
Si un jour quelqu'un m'avait dit que je serai une espèce de flic des bois...! La honte! Sûr que je lui aurais tiré un bourre-pif, au bouffon téméraire. Ah, c'est Momo qui se fendrait la poire s'il savait!

Julie avait saisi le prétexte qu'elle devait préparer le contrat de travail et remplir x déclarations, pour nous fausser compagnie.
M'sieur Charles servit donc le thé, petit doigt en l'air, et la première tasse de ce merveilleux breuvage... un peu fade à mon goût, fût consacrée à la pluie et au beau temps.
Dès la seconde, milord sortit d'un coffre une bouteille remplie d'un liquide jaunâtre mais suffisamment translucide pour laisser apercevoir en son fond, un serpent qui macérait!
Tout en nous rajoutant dans le thé une bonne rasade, le vieil aristo m'expliqua qu'il s'agissait d'une production artisanale à base de noix. "Cette recette de grand-père est sensée avoir quelques vertus médicinales comme par exemple déboucher les artères et rendre plus vigoureux... les hommes", me précisa le conte avec un lourd clin d'oeil.
Bien que la gnole était très diluée, la bouffée de chaleur qui m'envahie dès la première gorgée me laissait penser qu'il n'y avait aucune raison de remettre en question ses dires et que, utilisée pure, elle devait bien être capable de déboucher n'importe quelle tuyauterie.
Quand mon nouveau patron servit une troisième tasse avec autant de thé que de gnole, la conversation avait glissé sur mon parcours professionnel.
A la quatrième tasse, alors qu'il ne restait plus de thé, entre deux réponses à ses questions sur le cirque, je me bourrais de cake dans l'espoir "d'éponger" ce liquide qui, par soucis de sécurité, m'interdisait de fumer.
Quand la bouteille fût vide, le Charles savait presque tout du cirque, de ma vie et de notre amour brisé par Firmin.
Moi, je n'avais qu'un soucis en tête: combien allais-je faire pour me lever et sortir dignement à la fin de l'entretien.

Le marteau-pilon qui heurtait mon crâne à chaque battement de coeur fini par me tirer du coma vers les onze heures. Malgré mes quatorze heures du repos, j'avais pas vraiment la pêche!
Je décidais de reporter à plus tard mon intérêt pour des questions du style: où suis-je et qui suis-je, pour me consacrer à l'essentiel: la recherche d'un tube d'aspirine.
Heureusement pour moi, si les vertus de la gnole n'étaient pas prouvées, les effets secondaires semblaient être bien connus car sur la table de nuit, un verre d'eau et des cachets m'attendaient.

C'était la première et dernière nuit que je passais au château et je n'ai de souvenir que ce que le comte, qui m'avait deshabillé et couché, m'avait raconté en me conduisant à ma nouvelle résidence.
Bien qu'il m'ait proposé une des nombreuses chambres du château, nous décidâmes d'un commun accord que j'habiterai plutôt un ancien "pavillon de chasse". En fait, ma nouvelle demeure était construite en bois, et ressemblait aux habitations des pionniers du Far-Ouest; quelque chose entre la cabane de trappeur et la petite maison dans la prairie, mais avec un peu plus de confort comme par exemple: l'eau courante et même récemment l'électricité. Elle n'est pas très grande mais suffisamment pour y vivre à trois...

Enfin, c'est ce que je souhaite, mais toi Anouchka? Penses-tu au moins encore à moi? Peut-être que tes pensées sont pleines de haine à mon égard... Seras-tu me pardonner à défaut d'oublier? Et Amélie...? Voudra-t-elle d'un étranger pour nouveau papa? En a-t-elle trouvé un autre? Ce.. David peut-être. Depuis le temps que je vous observe de loin, j'ai l'impression qu'ils sont très proches tous les deux!
Eh oui, contrairement à ce que croit cette fripouille de Firmin, ce n'est pas vraiment le hasard qui vous a conduit ici.
Après avoir fini et "mis en service" le labyrinthe, les gens ne sont pas venus aussi nombreux que le souhaitait la famille Aristo. Alors, comme m'sieur Charles cherchait un autre moyen pour attirer plus de monde au château et qu'on parlait souvent de ma vie au cirque, je lui ai proposé de vous faire venir. Bien sûr, le vieux s'est empressé d'accepter car je crois même qu'il n'attendait que ça, mais qu'il n'osait pas le faire à cause de mes embrouilles passées avec le Firmin. D'ailleurs, c'est l'excuse que j'ai donnée pour pouvoir rester à l'écart quand vous seriez là. Au moins pour les premiers temps, histoire de voir...
En fait, j'avais déjà vu l'essentiel quelques semaines plus tôt. Après vous avoir facilement retrouvés grâce à quelques contacts que j'avais gardés avec des gens du voyage, j'avais profité d'un congé pour venir vous épier. Bien sûr, en même temps que votre "adresse" j'avais obtenu aussi quelques renseignements sur vous tous. Je savais que tu étais là, Anouchka et que Amélie aussi était là, à tes côtés... Alors je ne pensais plus qu'à toi et à elle. Il fallait que je la vois, il fallait que je te revoies.
Je me rappellerai toujours quand, enfin, je t'ai vu Amélie... Tu t'agitais sur le dos d'un âne en criant: "Hue, Papou, hue!!" pendant que celui que je ne savais pas encore s'appeler David, tenait la bride de l'animal. Je savais que c'était toi, Amélie... Je t'ai reconnue! Et puis tu es apparue, Anouchka... Toujours aussi belle... Et tu as hurlé: "Qu'est ce que tu fais là dessus?!!! Tu sais que je ne veux pas que tu montes sur cette bestiole. C'est trop dangereux. Tu es trop petite!" Anouchka en mère poule... et qui démarre toujours au quart de tour! Et puis il s'est mis à pleuvoir et vous êtes tous rentrés sous le chapiteau.
Cent fois, mille fois, j'ai voulu venir te parler, Anouchka. Et mille et une fois, je me suis dégonflé. Cette nuit, j'avais enfin trouvé le courage, mais le destin ne semble pas nous sourire... Le destin...? On croirait entendre ma mère! Mais, après tout... Si elle avait raison... S'il y a des signes qui ne trompent pas!
Et puis il y a Firmin qui n'acceptera jamais que je revienne et encore moins que je lui enleve sa fille et sa petite fille... Mais si au moins je connaissai tes sentiments Anouchka... Anouchka, tu dors toujours? Salop'rie de cachets!

Merde, le jour se lève déjà et les autres ne vont pas tarder! Il faut que je file, à bientôt mes amours... Peut-être.

Après avoir manqué de justesse de se faire renversé par Fifi, la chèvre du château qui semblait très nerveuse, Ronaldo rentra chez lui. Derrière une fenêtre du château, le comte souriait.


Manuella fût la première à se réveiller. Elle avait passée une très mauvaise nuit et ses rêves, ou plutôt ses cauchemars, ne lui laissaient plus aucun doute; le malheur qu'elle pressentait depuis quelques temps était pour aujourd'hui.
Manuella, trop absorbée par ses pensées laissait son café refroidir, puis machinalement, elle pris son jeu de carte et en tira une. La mort était là. Elle jeta son jeu de carte par terre et son châle sur ses épaules et sortit précipitament. Il lui fallait voir Ronaldo, au plus vite.

MANUELLA
__ " Jé n' en pouis plus !!! Faut qué jé respire ...loin de tout le monde ! J' ai dit que j' allais faire un tour ...tant pis pour le labyrinthe ...ils se passeront dé moi pendant oune heure ou deux !
Non ....Ce que j' ai vu dans les cartes ce matin ...c' est trop dur à supporter ...ce qui va encore arriver ... mais , Madre de dios , qu'est-ce qué on a fait au bouon dio !!! On a trop pleuré déjà ... Quel malheur !!!...
Mais ça va s' arrêter un jour ou non ???
On a la poisse , le cirque tout entier a la poisse ...
la grande familia du circo est empêtrée de poisse ...
...et moi , Manuella jé né peux rien y faire ...jé né peux pas aller contre le destin ...
Je les avais prévénous qu' il fallait pas venir dans ce château dé malheur !!! ...
Ah !...Firmin ...tu en as caché des choses dans ta vie ...
...mais jé té laisserai pas toucher à mon fils ; tu le mêleras pas à tes sales magouilles ...
Foi de Manuella !
Je vais à la recherche de Ronaldo, il ne doit pas souffrir par la faute de gens commé toi ...Tu né vas pas lui faire porter lé pompon aussi facilement ! ... je ne te laisserai pas faire ! On touche pas à ce que j' ai de plus précieux : mon fils ...!
Que j' ai été bête de te croire et de t' aimer , de te faire confiance ...alors que tu cachais tant de secrets que tu n' as pas su partager ...
J' aurais pu t' aider ...Quel gâchis ..."

Manuella marchait à grands pas ...pour calmer le tumulte qui bouillait dans son esprit.
Elle atteignait l' orée du bois , quand elle aperçut un petit âne qui semblait compter fleurette à ...mais oui... une ânesse...de l' autre côté du grillage ...
Papou regarda s' approcher la gitane .
__ " une petite compagne pour toi , mon bon Papou ? Elle a certainement du s' égarer...cette jolie ânesse ... Un âne , des jaguars, une chèvre , on n' est plus à ça près !!
Allez! ...une ânesse complètera la ménagerie!...Ni vue , ni connue ...c' est pas moi qui l' ai faite entrer dans le domaine de Monsieur le châtelain de mes deux !!! "
Manuella ouvrit le grillage à cet endroit et poussa l' ânesse à l' intérieur du parc.Elle était ravie de son petit tour et en plus Papou allait avoir une petite amie...
Ah ! Les animaux valent bien mieux que les hommes ...
D' ailleurs , Papou à qui il ne manquait que la parole , lui donna une bourrade amicale , comme pour la remercier de son geste ...et partit clopin-clopant aux côtés de sa belle !
Manuella continua son chemin et entra dans le bois ...à la recherche d' une cabane cachée sous l' épaisse frondaison des arbres ...une cabane semblable à celle qu' elle avait vue dans son rêve ...

L’ASSASSIN
L’assassin avait senti certains évènements lui échapper. Il était hors de question de perdre le contrôle. Il avait étudié toutes les possibilités. La dernière retenue, radicale était son dernier et plus sûr recours. Quand on ne peut plus éviter il faut supprimer. Il n’en était pas à sa première fois. L’idée de tuer ne le perturbait pas plus que cela. C’était toute l’organisation, tous les détails à éviter qui le mettait en alerte. Sa propre vie n’avait été que mensonge, duperie, silence et honte. Il ne s’embarrassait pas de sentiment, il était froid et calculateur. Quand il eut toutes les cartes en mains
le but qu’il s’était fixé ne souffrirait d’aucun contre-temps. Il y avait eu maldonne pour lui, les dés étaient pipés. Alors tout simplement il avait repris ses mêmes dés mais là c’était lui qui lançait.

L’assassin regarde sa montre. Son plan est établi. Il a 30 minutes pas plus mais il s’en donnait 20 et mettait encore plus de chances de son côté. Il avait 10 minutes pour tout contrôler. Il a toujours agi ainsi. Il s’autorise quelques minutes de plus pour éviter toute précipitation qui pourrait lui faire commettre des erreurs. Il peut garder tout son calme et exécuter son plan minutieusement. Il se permet de sourire, il aime ça. Ces quelques secondes avant de tuer, lui envoient une décharge d’adrénaline. N’était-ce pas ce qu’on avait décidé pour l’assassin ? Il était encombrant mais l’erreur commise c’était de lui avoir laisser la vie. Il n’était pas fait pour vivre sur une voie de garage et pour s’offrir la vraie vie qui lui aurait du lui revenir, en toute logique, il allait au-devant des évènements. L’autre n’avait pas réfléchi, il ne savait pas calculer.

Il avait pris sa décision en dernière minute, à la hâte sûrement, pressé d’en finir et ne faire confiance qu’au temps qui effacerait tout. Le temps n’effacera rien ………..

L’assassin n’avait aucune confiance en personne, ni dans un homme, une femme même pas un enfant. Pour l’avoir vécu, pour y penser encore aujourd’hui il était toujours aussi déterminé. Même un enfant, un bébé peut compromettre. On l’écarte du chemin à tort …. Lui ne voulait rien écarter, ni mettre de côté car tôt ou tard, le destin fait tout ressurgir et on perd.

Un coup d’œil à sa montre, il était temps. Après les répétitions du matin, il savait que tout le monde regagnait les caravanes. Tous s’accordaient une petite heure pour se détendre, se changeaient et s’apprêtaient à manger.

Il avait choisi le moment pour opérer, dans la dernière demie heure de répétitions. C’était Firmin qui donnait le signal de la fin. Tout comme il donnait celui du début. Tout le monde travaillait trois heures de suite sans relâche. Tout le monde ….. donc il y avait du bruit, des cris de colère quand le numéro ratait. La difficulté pour se concentrer venait du fait que certains ne pouvait travailler sans musique. Une cacophonie régnait où chacun essayait de donner le meilleur de lui-même.

Maintenant …………. L’assassin mit une cagoule sur la tête et sortit de sa cachette sous la caravane de Firmin. Quand il pénétra à l’intérieur. Firmin lui tournait le dos, concentré sur des colonnes de chiffres, les papiers recouvraient tout son bureau.

Firmin n’eut pas le temps de réagir. Il sentit le canon froid d’un revolver sur sa tempe. Vous voulez de l’agent lance Firmin ? Silence, pas un mot, tu comprends ? répondit l’autre. Firmin devint plus calme, reconnaissant la voix, il tourna son visage au regard étonné sur la personne qui le menaçait. Toi ? murmura t-il . Toi ? J’ai dit silence en pressant plus fort le canon. Compris ? Silence ! Oui moi ! Pourquoi ? Tu le sauras si tu fais gentiment ce que je te dis et vite ! Le temps est compté, pour toi et surtout dépend de toi la vie d’une autre. Une petite fille Firmin …… Une jolie petite fille Tu fais ce que je te dis sinon dans deux heures tu apprendras comme il est dangereux de jouer avec le trapèze quand on est qu’une enfant !

Pas toi, c’est impossible, je ne comprends pas pleure Firmin. Tu disais combien m’aimer et la petite gamine, notre Manuella ? Pas toi ? Dépêche toi lui demanda l’autre et tu sauras tout.

Prend une feuille vite …… écris …….. vite ! Firmin sans trembler prit une feuille et un stylo. Ecris ! Pas de rature, une écriture calme et lisible. Firmin hésite. L’autre lui pose la question : qui possède une vie bien plus précieuse que la tienne ici ? Manuella n’est-ce pas ? Ne me dis pas que tu hésites entre qui doit vivre ou mourir ici ? Des larmes silencieuses coulaient sur les joues de Firmin. Elles s’écrasaient sur le papier. C’est parfait ! apprécia l’assassin.

Encore plus vrai ……. Ecris ! J’ai trop de chagrin ……. Firmin comprit. Il n‘avait que quelques instants à vivre.

On demandait d’écrire ses dernières volontés. Il se mit à écrire : trop de chagrin ……je n’ai plus de forces.

Chaque jour est une torture. L’image de Raphaël me hante. C’est très bien interrompit l’assassin. Continue tout seul je vois que tu piges vite. L’image de Raphaël me hante, il voulait divorcer j’ai préféré le tuer. Pardonne-moi ! Ma mort te servira de revanche ……..

Le coup de feu retentit. Firmin s’écroula sur son bureau. Il tenait encore le stylo qui traça un dernier trait. L’assassin glissa le revolver dans la main droite de Firmin et laissa le bras pendre le long du corps. Il vérifia sa montre : 20 minutes …… excellent, parfait. Tout s’était déroulé au-delà de ses espérances. Firmin était un homme bien, mais s’il fallait sacrifier l’enfant, l’innocence, le meurtre le plus odieux ça Firmin ne saurait jamais qu’une personne aussi calculatrice et déterminée est capable de faire, oubliant tous les liens d’amour et d’amitié ….. Un dernier détail l’arrêta : il lui fallait vérifier. Il posa ses doigts sur la gorge de Firmin guettant le pouls. Merde ! jura t-il ! Faible mais il bat encore …….. Pas ça ! non pas ça !!!!!!! Il retire un de ses gants et vérifie à nouveau. 25 minutes viennent de passer. Le pouls s’est arrêté ……..Firmin est mort. Il a bien fait de rajouter 10 minutes au temps nécessaire. Il peut sortir et se glisser à nouveau sous la caravane ……………..