LE CIRQUE ZINDERO


RONALDO
Sais-tu au moins que j'existe, Amélie? Qu'est-ce qu'on a bien pu te raconter sur moi? Il a bien fallu qu'on réponde à tes questions d'enfant. Et tu as dû sûrement en poser beaucoup car tu sembles avoir la langue bien pendue!
Qu'as-tu répondu, Anouchka? Que j'étais parti sans raison? ...Mort, peut-être?
Ou est-ce Firmin qui t'as renseigné à mon sujet, petite? Je crains le pire. C'est un beau-père pire qu'une belle-mère!
Huit ans déjà! Toute ta vie... et un peu plus.
Il en est passé de l'eau sous les ponts... et pas toujours de la très claire!
Ca m'a même valu un petit séjour de "Santé". Firmin serait content s'il apprenait ça! Mais sans bagage, ni même un baluchon, il m'a bien fallu survivre et la faim justifiait les moyens, à mes yeux. On ne m'avait pas fait de cadeaux, alors pourquoi en aurais-je fait? Je ne savais pas que la vie m'avait fait le plus beau des cadeaux... toi, Amélie.
Amélie... je n'ai même pas choisi ton prénom... et toi connais-tu le mien?
Vingt-huit mois derrière les barreaux c'est long, surtout quand les autres sont au parloir et que toi, tu restes seul dans ta cellule. Alors, tu gamberges. J'avoue que le cirque est une bonne école. Le métier est pénible mais il forge le caractère et apprend à se remettre en question en permanence. C'est sûrement ça qui m'a sauvé, contrairement à tous les autres qui sont ressortis plus loups, voire chacals, que quand ils étaient entrés.
Je ne dis pas qu'au début... mais ce n'est pas sur la vengeance que l'on rebattit une vie et encore moins une famille.
A ma sortie j'avais des projets, mais les moyens me manquaient. Et puis au fil de petits boulots et de stages d'insertions, de qualifications et autres vagabondages sociaux, j'ai atterri ici.
Sûr qu'on n'est pas du même monde, mais pour des aristos... sont plutôt cools.
De toute façon, chacun y trouve son intérêt. Moi, j'ai un boulot, et eux, ils m'ont pour pas cher. Je crois qu'ils ont même touché une prime quand ils m'ont embauché. Cela a dû leur permettre de payer quelques ardoises pour le toit du château ou d'épiciers, car s'ils ont le titre, côté finances, ils sont plus près du RMI que des Rothschild.
Et dans un sens tant mieux. Leur malheur fera peut-être notre bonheur, et si tout va comme je l'espère, nous pourrons leur retourner l'ascenseur.
C'est marrant quand j'y repense, tous ces mois à réfléchir, à imaginer... et l'idée n'est pas de moi. Au départ, je crois que c'est le vieux châtelain qui l'a eût en voyant mon "cv" et c'est pour cette raison qu'il m'a embauché.
En tous cas je me rappelle qu'il est resté un bon moment pensif après avoir lu mes "références". Moi je croyais que c'était râpé, et qu'il cherchait comment me le dire. Allait-il me sortir les éternels refrains ou trouver quelque chose d'original? Avec le temps, c'était presque devenu un jeu pour moi, je leur donnais même une note... Et la moyenne était basse! Mais là franchement, il m'a scié l'aristo!
Après un poli "veuillez m'excuser quelques instants", il sortit et me laissa seul dans cette immense pièce qui semblait faire office de bureau, de bibliothèque et même de grange.
Il y avait, et il y a toujours, un souk pas possible; des masques africains, une roue de loterie, des armes blanches de toutes sortes et de toutes origines; des flèches, des sagaies, des épées, des sabres japonais, des fléaux d'armes... quelques photos de famille et aussi du château et même des tableaux, comme dans les films: la galerie des ancêtres. Toute une ribanbelle d'enrubanés dont un en particulier qui m'a bien fait rire car, avec ses anglaises et sa dentelle, il ressemblait beaucoup à Firmin. Et puis partout des bibelots, des statues et des vases de toutes tailles et de tous styles, le tout noyé dans des piles de dossiers, de cartes géographiques, de plans d'architecture, de bouquins et paperasses diverses.
Le mobilier avait dû être acheté au fil des générations car chaque meuble était d'époque mais jamais la même. Aussi je ne fus pas vraiment étonné de voir dans un coin, une armure des plus médiévales et en face d'elle un engin agricole d'avant guerre, qui, je l'appris plus tard, servait à ramasser les foins dans le "temps", celui de l'enfance du "vieux". Au milieu de ces deux tas de ferraille: un billard... sans trou... un français. Apparemment personne n'y avait joué depuis un moment, car lui non plus n'avait pas échappé au foutoir ambiant. Sur le billard, maintenu à chaque coin par un cendrier, un chandelier, une boite à musique et un maillet de camping: un plan de jardin. Ou plus exactement, le plan d'un labyrinthe végétal au milieu d'un parc à la "Versailles".
En d'autres temps, j'aurais sûrement récupéré un ou deux "souvenirs", histoire de ne pas avoir fait le déplacement pour nada, mais plus maintenant. Et puis, étant donné qu'il avait vu mon pédigré, je me suis toujours demandé si ce n'était pas un test. Quoiqu'il en soit, c'est à la même place et quasiment dans la même position que le "vieux" me retrouva quand il revint accompagné de sa fille, qu'il me présenta.
C'était "dame Julie", sa princesse et héritière. Une sorte de déesse aux yeux du père, et aux miens, une assez jolie meuf apparemment un peu timide et embarrassée par les compliments du papa et surtout par le grand plateau qu'elle tenait et qu'elle ne savait pas où poser.
-"Ce ne sont point les bonnes us et coutumes que de solliciter son invité, mais si vous pouviez m'aider à débarrasser ce guéridon afin que ma fille puisse déposer son fardeau, je vous en serai gré."
-"Euh... Pas de problème. Et je mets tout ça, ...où?" bafouillais-je.
-"Ma foi.., là où bon vous semble. Ce sont des projets de rénovation du château ainsi qu'une multitude de demandes de subventions après d'organismes peu ou prou inféodés au ministère de la culture et tout particulièrement au patrimoine national. Malgré énormément de temps consacré et d'énergie gaspillée, je crains fort que tout espoir de mécénat soit vain et qu'il nous faille envisager d'autres solutions."
-"Alors je peux peut-être les poser sur ces pots de peinture, près de la fenêtre? Ca ressemble aussi à un projet en attente. Enfin... ça ne me regarde pas!"
-"N'en croyez rien, jeune homme" dit le châtelain en époussetant le guéridon avec son mouchoir brodé. "C'est même en partie pour cela que je vous engage... Si toutefois entrer à notre service vous sied."
J'entravais que fifre à la moitié de ce que jactait l'aristo, mais j'avais quand même pigé le sens général qui se résumait à ces mots: je vous embauche pour refaire les peintures!
-"Eh bien, jeune homme... Que décidez vous?" Relança-t-il tout en aidant sa fille à déposer prudemment le plateau sur le guéridon qui s'avérait un peu juste.
-"Euh... oui, je veux bien", dis-je en pensant que de toutes façons c'était le but de ma visite au castel et que mes finances ne me permettaient pas de faire la fine bouche, "mais c'est pour quel travail exactement? Parce que l'offre d'emploi était assez floue à ce sujet...?"
-"Effectivement, cependant il était mentionné que nous recherchions quelqu'un d'extrêmement polyvalent.
C'est à dire, continua-t-il en voyant que je ne comprenais pas davantage ce qu'il attendait de moi, qu'il ne s'agit pas d'UN emploi mais, disons, de divers petits travaux à effectuer. Cela ne demande guère de qualifications particulières mais nécessite néanmoins des qualités de "touche à tout" et un certain sens de l'adaptation. Aux vues de votre parcours professionnel au sein d'un cirque ainsi que vos... aventures passées, j'estime que vous possédez les compétences requises.
En vérité, dans les premiers temps, nous avons besoin d'un garde-champêtre car nos bois ont quelques gibiers, essentiellement des cervidés, que convoitent quelques braconniers. Rassurez-vous, il n'y a point de danger. Comme tous ceux du canton, nous connaissons les deux infâmes qui se livrent à ces brigandages, et je puis vous assurer que votre seule présence suffira à décourager ces couards de venir exercer leurs coupables méfaits. Vous avez ma parole."
Milord avait eu raison. Ma présence dans la forêt, épaulée par les rumeurs qui avaient vite couru sur mon compte, ne m'a jamais permis de voir ces grands "despérados des bois", ni grand monde en général, sauf quelques rares cueilleurs de champignons et bien sûr: la marée-chaussée locale!
Tu parles...! Une espèce de manouche qui sort de tôle et qui vit comme un sauvage au milieu des bois, ça passe pas inaperçu dans les bleds. Il en faut pas plus pour faire manger la soupe aux mômes, dans les chaumières. "Si tu finis pas ta soupe, le gitan viendra te prendre!!!", et sûrement que je devais les revendre ou les croquer tout cru...
Mais, avec le temps et surtout l'appui du big-boss, ça c'est un peu calmé, il y en a même qui me disent bonjour quand je vais chercher mes clops au patelin.
-"Comme par conséquent, vous n'aurez pas vraiment d'oeuvres, je souhaiterai que vous unissâtes vos forces à celles de ma fille, de mon gendre et de moi-même, afin de planter les végétaux qui nous permettrons de créer notre labyrinthe si désiré et porteur de tous nos espoirs.
En effet, nous prions pour que celui-ci attire moult gents et s'il plait à Dieu et à Diable, cela nous permettra de commencer les travaux de rénovation du château et de le faire visiter, lui aussi. Ainsi, nous espérons produire un effet "boule de neige" qui renflouera les caisses et qui sauvera non seulement le domaine mais aussi la famille."
-"Présenté comme ça, je ne peux qu'accepter votre offre, m'sieur... le conte? My lord?"
-"Hahahahaha! Non non, ne nous encombrons pas de "chichi" entre nous, vous faîtes dorénavant partie du château. Monsieur suffira, ou plus simplement, Charles.
-"Bon, ben... OK, m'sieur Charles"
-"A la bonne heure, tope-la, mon garçon, comme on dit par ici! Pour les formalités, vous verrez cela avec ma fille.
Vous prendrez bien une tasse de thé pour fêter notre accord?" Conclut-il en me désignant une chaise près du fameux plateau. "Il y a aussi un savoureux cake que fait ma fille. Goûtez-y et je suis certain que vous conviendrez avec moi que Julie est une excellente pâtissière".
Sûrement grâce à ce fameux sens de l'adaptation qu'avait détecté en moi le "vieux" et bien qu'à la place "j'eusse de préférence opté", comme qui dirait l'autre, pour une boisson plus fraîche et qui mousse, je répondis hypocritement: "Avec grand plaisir, merci."
Et c'est ainsi que je fus embauché.
Si un jour quelqu'un m'avait dit que je serai une espèce de flic des bois...! La honte! Sûr que je lui aurais tiré un bourre-pif, au bouffon téméraire. Ah, c'est Momo qui se fendrait la poire s'il savait!
Julie avait saisi le prétexte qu'elle devait préparer le contrat de travail et remplir x déclarations, pour nous fausser compagnie.
M'sieur Charles servit donc le thé, petit doigt en l'air, et la première tasse de ce merveilleux breuvage... un peu fade à mon goût, fût consacrée à la pluie et au beau temps.
Dès la seconde, milord sortit d'un coffre une bouteille remplie d'un liquide jaunâtre mais suffisamment translucide pour laisser apercevoir en son fond, un serpent qui macérait!
Tout en nous rajoutant dans le thé une bonne rasade, le vieil aristo m'expliqua qu'il s'agissait d'une production artisanale à base de noix. "Cette recette de grand-père est sensée avoir quelques vertus médicinales comme par exemple déboucher les artères et rendre plus vigoureux... les hommes", me précisa le conte avec un lourd clin d'oeil.
Bien que la gnole était très diluée, la bouffée de chaleur qui m'envahie dès la première gorgée me laissait penser qu'il n'y avait aucune raison de remettre en question ses dires et que, utilisée pure, elle devait bien être capable de déboucher n'importe quelle tuyauterie.
Quand mon nouveau patron servit une troisième tasse avec autant de thé que de gnole, la conversation avait glissé sur mon parcours professionnel.
A la quatrième tasse, alors qu'il ne restait plus de thé, entre deux réponses à ses questions sur le cirque, je me bourrais de cake dans l'espoir "d'éponger" ce liquide qui, par soucis de sécurité, m'interdisait de fumer.
Quand la bouteille fût vide, le Charles savait presque tout du cirque, de ma vie et de notre amour brisé par Firmin.
Moi, je n'avais qu'un soucis en tête: combien allais-je faire pour me lever et sortir dignement à la fin de l'entretien.
Le marteau-pilon qui heurtait mon crâne à chaque battement de coeur fini par me tirer du coma vers les onze heures. Malgré mes quatorze heures du repos, j'avais pas vraiment la pêche!
Je décidais de reporter à plus tard mon intérêt pour des questions du style: où suis-je et qui suis-je, pour me consacrer à l'essentiel: la recherche d'un tube d'aspirine.
Heureusement pour moi, si les vertus de la gnole n'étaient pas prouvées, les effets secondaires semblaient être bien connus car sur la table de nuit, un verre d'eau et des cachets m'attendaient.
C'était la première et dernière nuit que je passais au château et je n'ai de souvenir que ce que le comte, qui m'avait deshabillé et couché, m'avait raconté en me conduisant à ma nouvelle résidence.
Bien qu'il m'ait proposé une des nombreuses chambres du château, nous décidâmes d'un commun accord que j'habiterai plutôt un ancien "pavillon de chasse". En fait, ma nouvelle demeure était construite en bois, et ressemblait aux habitations des pionniers du Far-Ouest; quelque chose entre la cabane de trappeur et la petite maison dans la prairie, mais avec un peu plus de confort comme par exemple: l'eau courante et même récemment l'électricité. Elle n'est pas très grande mais suffisamment pour y vivre à trois...
Enfin, c'est ce que je souhaite, mais toi Anouchka? Penses-tu au moins encore à moi? Peut-être que tes pensées sont pleines de haine à mon égard... Seras-tu me pardonner à défaut d'oublier? Et Amélie...? Voudra-t-elle d'un étranger pour nouveau papa? En a-t-elle trouvé un autre? Ce.. David peut-être. Depuis le temps que je vous observe de loin, j'ai l'impression qu'ils sont très proches tous les deux!
Eh oui, contrairement à ce que croit cette fripouille de Firmin, ce n'est pas vraiment le hasard qui vous a conduit ici.
Après avoir fini et "mis en service" le labyrinthe, les gens ne sont pas venus aussi nombreux que le souhaitait la famille Aristo. Alors, comme m'sieur Charles cherchait un autre moyen pour attirer plus de monde au château et qu'on parlait souvent de ma vie au cirque, je lui ai proposé de vous faire venir. Bien sûr, le vieux s'est empressé d'accepter car je crois même qu'il n'attendait que ça, mais qu'il n'osait pas le faire à cause de mes embrouilles passées avec le Firmin. D'ailleurs, c'est l'excuse que j'ai donnée pour pouvoir rester à l'écart quand vous seriez là. Au moins pour les premiers temps, histoire de voir...
En fait, j'avais déjà vu l'essentiel quelques semaines plus tôt. Après vous avoir facilement retrouvés grâce à quelques contacts que j'avais gardés avec des gens du voyage, j'avais profité d'un congé pour venir vous épier. Bien sûr, en même temps que votre "adresse" j'avais obtenu aussi quelques renseignements sur vous tous. Je savais que tu étais là, Anouchka et que Amélie aussi était là, à tes côtés... Alors je ne pensais plus qu'à toi et à elle. Il fallait que je la vois, il fallait que je te revoies.
Je me rappellerai toujours quand, enfin, je t'ai vu Amélie... Tu t'agitais sur le dos d'un âne en criant: "Hue, Papou, hue!!" pendant que celui que je ne savais pas encore s'appeler David, tenait la bride de l'animal. Je savais que c'était toi, Amélie... Je t'ai reconnue! Et puis tu es apparue, Anouchka... Toujours aussi belle... Et tu as hurlé: "Qu'est ce que tu fais là dessus?!!! Tu sais que je ne veux pas que tu montes sur cette bestiole. C'est trop dangereux. Tu es trop petite!" Anouchka en mère poule... et qui démarre toujours au quart de tour! Et puis il s'est mis à pleuvoir et vous êtes tous rentrés sous le chapiteau.
Cent fois, mille fois, j'ai voulu venir te parler, Anouchka. Et mille et une fois, je me suis dégonflé. Cette nuit, j'avais enfin trouvé le courage, mais le destin ne semble pas nous sourire... Le destin...? On croirait entendre ma mère! Mais, après tout... Si elle avait raison... S'il y a des signes qui ne trompent pas!
Et puis il y a Firmin qui n'acceptera jamais que je revienne et encore moins que je lui enleve sa fille et sa petite fille... Mais si au moins je connaissai tes sentiments Anouchka... Anouchka, tu dors toujours? Salop'rie de cachets!
Merde, le jour se lève déjà et les autres ne vont pas tarder! Il faut que je file, à bientôt mes amours... Peut-être.
Après avoir manqué de justesse de se faire renversé par Fifi, la chèvre du château qui semblait très nerveuse, Ronaldo rentra chez lui. Derrière une fenêtre du château, le comte souriait.
Manuella fût la première à se réveiller. Elle avait passée une très mauvaise nuit et ses rêves, ou plutôt ses cauchemars, ne lui laissaient plus aucun doute; le malheur qu'elle pressentait depuis quelques temps était pour aujourd'hui.
Manuella, trop absorbée par ses pensées laissait son café refroidir, puis machinalement, elle pris son jeu de carte et en tira une. La mort était là.

FIFI
Bêêê de capricorne maléfique ! ! !
J'vous l'avais dit qu'ce château était devenu dramatique ! J'vous l'avais dit !
Et bien ça y est : UN MEURTRE ! ! !Un meurtre maintenant : nous manquait plus qu'ça ! Et Monsieur Charles qui est malade, malade, malade et MA Johanne qui aurait pu disparaître et qu'heureusement qu'on l'a retrouvée, et ces cris des jaguars, le jour, la nuit, et mon lait qui reviendra plus, et cette sorcière gitane qui hurle à la lune depuis la mort de Firmin. Oui, oui : c'est Firmin, le Directeur du cirque qu'on a tué !
Raide mort qu'il est à c't'heure !
...Et son assassin , vous demandez ?
Disparu l'assassin, envolé, évaporé, pas vu-pas pris-pas puni, et personne qui sait,... ou plutôt : PERSONNE QUI DIT ! ! !
Bêêê de fromage empoisonné à la salmonelle ! ! ! !
Et ils sont tous là, avec leurs mines d'enterrement qui n'a pas encore eu lieu, et que ça pleure, et que ça se désespère, et que ça grimace de la tristesse.
Mais MOI, Fifi la chèvre, je ré-flé-chis, MOI. Vous croyez pas que j' vais laisser courir un assassin qui pourrait encore recommencer, juste comme ça pour le plaisir et ME tuer, MOI AUSSI, ou pire encore, ME tuer MA Johanne, ou MON bon Monsieur Charles ! ! !
NON, NON, NON ! ! ! Je laisserai pas faire, y'a déjà eu le meurtre de la chèvre de Monsieur Seguin, y'aura pas le meurtre à Fifi !
Et à QUOI je réfléchis, vous dites ? ? ? Et bien je réfléchis à tout ce qu'il faut : aux indices, aux mobiles, aux alibis, à toutes ces choses que vous lisez dans vos romans policiers et que MOI, même si je sais pas lire, j'A-NA-LY-SE ! ! ! Parfaitement : vous m'avez bien entendue le bêler : j'A-NA-LY-SE.
Par le Dieu des Banons aux herbes, il sera pas dit que j'laisserai continuer ce massacre, ah ça, non !
D'abord, les suspects.
Facile : à part MON monsieur Charles, et MA Johanne et la petite Amélie qui a l'innocence du petit lait, ce sont TOUS des suspects !
Bêêê !!! Bon, d'accord, j'enlève aussi le Firmin de ma liste : c'est pas un suicide, c'est un assassinat. Et puis j'ai vu s'éloigner une ombre, juste après le coup de feu, alors.
Bêêê !!! Allez ! J'enlève aussi les jaguars et l'âne Papou : les jaguars, j'ai vérifié, ils sont restés cadenassés dans leur cage. Et l'âne Papou, il comptait fleurette à une mule-ânesse dans MON pré aux pommes. Complètement ravagé par les délires de l'amour c't'animal ! Et puis je ne pense pas qu'il aurait pu tenir le revolver, le Papou. Bien que, avec ces bêtes de cirque qui savent singer les hommes, faut se méfier...
L'ombre était une ombre ...normale, oui... j'le dirai comme ça : Une ombre ABSOLUMENT normale. Donc, autre déduction fine et caprine : c'était PAS Jojo qui, elle, aurait fait une ombre ..., une ombre ..., une ombre très très grande, quoi ! ! ! ( Pour pas dire "anormale", que ça pourrait la vexer la Jojo et qu'au fond, celle-là, avec son aspirateur, elle me paraît pas mauvaise bouquetine).
L'ombre n'avait pas de longue jupe , ça j'en suis SURE, moi Fifi ! Donc ... c'est pas Manuella ! Pourtant, cette sorcière à breloques, je l'aurais bien vue en assassine, mais, bon..., dommage..., passons aux autres !
Bêêê de difficile choix entre la pomme et le fromage ! ! !
Donc, les autres, du David qui parle pas, à l'Anouchka qui en dit trop, de ce faux Miguel en vérité Aristo ( je vous béguète pas tout, c'est trop compliqué, mais vous pouvez me faire confiance : j'en sais des pommes vertes et des pas mures ), de ce Ronaldo réapparu comme par hasard et qu'en fait il est le père de l'Amélie et l'ancien petit ami de l'Anouchka qui est, ça vous le savez mais je le répète pour que vous arriviez bien à suivre, donc à l'Anouchka qui est la fille du défunt assassiné, en n'oubliant pas sur la liste cet Arthur qui a un nom de fantôme et que ça c'est déjà presque un indice, bref, ces gens-là ... CE SONT TOUS DES ASSASSINS POSSIBLES que j'vous dis !
Bêêê de drame mondial de la réglementation sur l'exportation des fromages français !
Je garde les cornes fraîches, j'aiguise mes sabots tout pointus au cas où, je m'en vais sautiller l'air de rien en mâchouillant quelques brindilles pour ne pas attirer l'attention et je continue mon enquête autour des caravanes, discrète-discrète comme me l'a appris ma grand-mère chèvre du Tibet (ça faut pas l'oublier non plus), et je vous raconte TOUT dès que j'interpelle l'ignoble individu assassin !
Comment vous dites ? .Oui ....si vous y tenez...Oui ....oui ...Vous pouvez m'appeler : " Détective chèvre Fifi ", mais je vous le demande : SECRET AB-SO-LU sur ma mission ! ! !
JE rode, JE vois, JE renifle, JE mâchouille et par le Dieu du crottin de Chevignol ça m'étonnerait que c't'affaire reste longtemps un mystère ! ! ! !

PAPOU
Je vous dis avec les hommes, la tranquilité c'est quelques minutes et encore!
Pourtant , depuis que j'avais trouvé la petite ânesse et ce grace à Manuella , je voyais ....

l'herbe bleue au fond de ses yeux!
Les nuages sous ses oreilles que je voulais réchauffer!
Les idées qui montaient en mon ventre!
Et mes poiles qui perdaient l'immobilité!
Pourtant, depuis que j'avais trouvé la petite ânesse, toutes les nuits , j'entendais courir des petits ânes , les flancs animés de mon sang et du sien!
Mais avec les hommes , la tranquilité !
- Vite,vite, il faut appeler des secours .... on a tué Firmin!!!!
Tout le monde courait et Jojo pleurait ... tout le monde pleurait d'ailleurs ....Enfin presque , car moi je vois les véritables larmes et j'en sais des petites choses que j'oublie ....
Mais avec les hommes la tranquilité !
Je ne sais pas pourquoi mais cette nuit là me rappelle celle où quelqu'un cherchait la clé !
Mais moi , j'oublie ....pourtant ce pourrait il que cette clé puisse expliquer la mort de ce pauvre Monsieur Firmin???
Mais je ne suis qu'un âne et là, je me demande qui va me donner mon avoine ce soir ???
Ils ne vont pas m'oublier , c'est que l'amour et les émotions creusent l'estomac des ânes!!

SARAH
Des coups. Des coups. Encore des coups. Sarah se débattait tant qu'elle le pouvait, mais les coups continuaient à pleuvoir. Bizarrement, ils ne lui faisaient pas mal. Elle ouvrit soudain les yeux et se dressa sur son lit, haletante. Elle mit quelques instants à réaliser où elle était, la petite caravane à présent familière, son costume d'écuyère qui dépassait de la penderie, Lisa dans la couchette voisine qui venait également de se réveiller. Ses yeux se dirigèrent alors vers la porte, d'où provenaient ces fameux coups.
"Oui ?" , cria-t-elle en jetant un coup d'oeil à sa montre. Il était six heures du matin.
"Sarah ! Ouvre ! vite !"
La jeune fille reconnut la voix d' Arthur, mais quelque chose l'alarma dans sa manière de parler. Il semblait être dans tous ses états.
Elle sauta donc de son lit et ouvrit la porte, après avoir enfilé un peignoir léger. Blême, décomposé, le visage de "monsieur muscle" faisait peur à voir. "Firmin..." articula-t-il, mais la suite de sa phrase s'étrangla dans sa gorge et il ne put achever. Ses yeux parlaient pour lui, brillants de larmes. Malgré ce regard pourtant si éloquent, Sarah se refusait à croire ce qu'elle y avait deviné. "Qu'est-ce qu'il y a ?", demanda-t-elle, mais elle lisait déjà la réponse dans la larme qui roulait à présent sur la joue d'Arthur. Lisa était derrière elle.
"On l'a trouvé ce matin", parvint enfin à articuler Arthur. "Assassiné."
A ce mot, les deux jeunes femmes poussèrent un même cri. Sarah sentit les larmes lui monter aux yeux. En se retournant vers Lisa, elle vit que celle-ci commençait à renifler. Elles interrogeaient Arthur du regard, n'osant lui en demander plus, mais il ne parut pas comprendre. Trop bouleversé, sans doute. Quelques secondes s'écoulèrent, insoutenables. Tous trois évitaient de se regarder. Puis c'en fut trop pour Lisa, qui s'écroula sur l'épaule de Sarah et se mit à sangloter. Sarah la prit dans ses bras en pleurant, elle aussi, mais elle imaginait la peine de Lisa qui avait perdu toute sa famille et pour qui Firmin était comme un père. Avait été. Elle ne pouvait s'empêcher de penser encore à lui au présent.
Arthur tourna lourdement les talons et s'éloigna d'un pas plus pesant que d'habitude. Au loin, une voiture de police arrivait à toute allure sur le petit chemin qui menait au campement, girophare et sirène allumés. La porte de la caravane d'Anoushka et Amélie était close, mais la lumière brillait à l'intérieur. Elle entrevit la silhouette de Manuella qui sortait de sa roulotte, les cheveux épars et dénoués. Elle suivit Arthur du regard et le vit frapper à la porte des parents de Marie. Puis son regard se reporta sur Lisa qui sanglotait dans ses bras. Sarah aussi pleurait, mais, sous le choc de la nouvelle, elle ne réalisait pas la mort de Firmin. Non, elle n'arrivait pas à réaliser.

Sarah versa l'orge dans la mangeoire de Libellule, mais le seau tremblait dans sa main. Elle fit de même pour Opium, puis entreprit de nettoyer les boxes de ses chevaux pendant qu'ils mangeaient. Elle avait fini par suivre l'exemple de Lisa, qui, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, s'était habillée et était allée chercher réconfort auprès de ses fauves.
La police était venue, puis repartie. Deux inspecteurs mal réveillés étaient descendus de la voiture et avaient commis l'erreur de demander à parler à l'épouse du défunt, ce qui avait provoqué une nouvelle crise de larmes chez Anoushka. Vive la psychologie, s'était dit Sarah en observant la scène de loin. Après avoir essayé de se rattrapper grâce au don d'un paquet de Kleenex à Anoushka, c'était à elle qu'ils avaient présenté leurs condoléances. Nouvelle crise de larmes. Sarah distinguait la petite silhouette d'Amélie serrée contre sa mère, si menue et si fragile, comme perdue dans ce monde d'adultes.
Après avoir tenté de poser quelques questions à diverses personnes du cirque, les policiers avaient renoncé devant les chutes du Niagara que déclenchait le seul nom du mort chez tous. Ils avaient embarqué le corps et déclaré qu'ils repasseraient dans l'après-midi, et interdiction pour tout le monde de quitter l'enceinte du château. Sarah avait eu un rictus amer à cette annonce. Qu'est-ce qu'ils croyaient ? Que c'était quelqu'un du cirque qui avait tué Firmin ? Ca se voyait bien que les flics ne connaissaient pas la grande famille Zindéro.
Au moment où les inspecteurs repartaient avec la dépouille de Firmin, Charles de Vassiers était arrivé, en pantoufles et robe de chambre, demandant à la ronde ce que c'était que ce remue-ménage. Pâlissant sous le choc en apprennant la nouvelle, il avait eu le tact de se retirer immédiatement, laissant le cirque à sa peine.
Tout en s'occupant distraitement de ses chevaux, Sarah observait le cirque. Anoushka s'était retirée chez elle en emmenant Amélie. Manuella, après être restée prostrée dans l'herbe, sans répondre à quiconque lui adressait la parole, s'était relevée et avait disparu dans les bois. Les autres avaient formé de petits groupes, çà et là dans le cirque, et parlaient à voix basse entre eux afin de ne déranger personne. On entendait quelques sanglots étouffés, aussitôt suivis du murmure des voix bienveillantes. Le cirque se serrait les coudes dans le malheur. Puis chacun était reparti dans sa roulotte, tout doucement, sur la pointe des pieds, les larmes aux yeux.
Sarah s'appuya sur Opium, les yeux grands ouverts dans le vide. Elle n'arrivait pas à imaginer le corps de cet homme si chaleureux dans un cercueil, et encore moins que quelqu'un ait pu lui vouloir du mal au point de le tuer. La jeune fille lui était infiniment reconnaissante. Il avait cru en elle, lui avait donné sa chance, l'avait conseillée, encouragée. C'était grâce à lui qu'elle avait pu réaliser son rêve, et qu'elle était à présent une véritable écuyère. Firmin était plein de bonté, tout le monde l'aimait... tout le monde sauf une personne, tout le monde sauf son assassin.
Qui avait pu vouloir une chose pareille ? Et Amélie, et Anoushka, qu'allaient-elles faire ? Qu'allaient-ils tous devenir ? Le cirque n'avait plus d'âme, sans Firmin, plus de raison d'être, elle ne pouvait concevoir le chapiteau Zindéro sans la silhouette trapue qui distribuait ordres, conseils et compliments du centre des gradins, qui passait dans les caravanes pour parler des numéros, qui se souciait de tous, de l'âne Papou à la grande Jojo, en passant par Manuella, et même elle, Sarah.
Ses pensées tournaient à vide. Elle leva la tête et regarda son cheval, qui semblait comprendre sa peine et posa son chanfrein contre la poitrine de la jeune fille. Sa maîtresse la caressa. Elle ne se sentait pas bien, n'ayant rien mangé depuis la veille au soir. Elle n'avait pas faim, mais elle referma les boxes pour aller se forcer à grignoter quelque chose. Elle s'éloigna à pas silencieux dans le cirque qu'on aurait cru vide et sans vie.

MANUELLA
Firmin est mort … ! C’est impossible …
Prostrée … Elle était restée prostrée de douleur …Manuella ne pouvait plus bouger …Telle une statue , elle restait figée …Seules des pensées morbides envahissaient son esprit …
A l’ annonce de la mort de Firmin , le choc avait été tel , qu’ elle s’ était effondrée comme une poupée de chiffon …Impossible de se rendre à l’ évidence .. ;Firmin mort …NON ! …pas lui ! …Ce n’ était pas possible … C’ était un affreux cauchemar … elle allait se réveiller …
Elle l’ avait bien vue , la mort , rôder …Les tarots l’ en avaient prévenue …Une mort violente .. .mais jamais elle n’ aurait pensé qu’ il aurait pu s’ agir de Firmin…et qu’ il serait assassiné !
Non ! …on était dans un film , là …ou alors , elle dormait et quelqu’ un allait la réveiller !!
Ce n’ était pas possible autrement … !
Mais qu’ avait donc bien pu faire Firmin de si moche pour que quelqu’un en vienne à lui ôter la vie de cette manière ? Qui avait bien pu lui en vouloir à ce point ? …et attenter à sa vie d’ une façon aussi violente ? Qui pouvait le détester autant pour vouloir le supprimer ?…
On avait voulu faire croire au suicide …mais la police n’ avait pas été dupe …Firmin avait été purement et simplement assassiné …enfin , façon de dire .. . !
…et cette lettre qu’ il avait laissée …Raphael , son fils , serait mort par sa faute ? Firmin aurait tué son propre fils ??!!! Non ! .. ;impossible ! L’ assassin avait voulu mettre ce meurtre sur le compte de Firmin …mais c’ était FAUX !! …archi-faux ! Firmin était incapable de tuer ! …de tuer son fils ? Personne n’ allait croire une chose pareille !…Firmin avait trempé dans pas mal de magouilles …mais de là à devenir un meurtrier …non , ça , c’ était impensable !
Ohhhhhhhhhhhhh ! Qu’ elle était malheureuse ! … jamais elle ne s’ en remettrait …Vivre désormais sans l’ amour de sa vie …Elle l’ aimait toujours, malgré les mots durs qu’ ils s’ étaient échangés la veille , quand Firmin lui avait signifié leur rupture . Quand elle repense , qu’à cette minute –là , elle aurait voulu le voir mort à ses pieds , tant elle le haissait de vouloir la quitter …AHHH ! Manuella … voilà où t’ ont menée tes vilaines pensées ! …
Madre de dios … rendez-le moi !…Sortez-moi de ce cauchemar … je vous en supplie ! …
Maintenant , sa vie s’ écroulait … Qu’ allaient-ils tous devenir sans lui ?
Anouschka était au plus mal… On lui avait administré des calmants pour éviter une nouvelle crise de nerfs … Après les décès de sa mère et de son frère , jamais elle ne pourrait faire face à nouveau à un tel drame …son père assassiné …et la petite , qui allait s’ en occuper maintenant ? Qui allait lui expliquer …trouver les mots … Pour le moment , David , pour la soustraire à cette ambiance traumatisante pour une enfant de cet âge , avait emmené Amélie voir Papou , à l’ autre bout du domaine …Mais la pitchoune était loin d’ être bête , elle avait senti qu’ il se passait quelque chose de grave … tout le monde pleurait autour d’ elle … hurlait …l’agitation ….. ;la police …
RONALDO !! Voilà , la solution ! Cette pensée qui lui traversa l ‘ esprit soudain , la fit se redresser .Il fallait absolument qu’ il débarque illico , s’ occuper de son petit monde et prendre les choses en mains ! Pour une fois … il pouvait bien faire ça …Anouschka avait trop besoin de son amour et de son soutien , surtout dans un moment si douloureux …Et Amélie .. ;qui mieux que son papa pourrait trouver les mots ? Manuella aussi avait besoin de son fils car elle n’ avait plus de forces …pour faire face à tout ça …
Mais au fait ! … où pouvait-il bien se trouver ? Mais que faisait-il ? Ronaldo devait venir , en début de journée , voir sa mère pour l’ entretenir de choses qui le préoccupaient …Manuella tenait à ce qu’ils parlent ensemble de sa situation …il devait répondre à ses questions …cela faisait si longtemps qu’ ils n’ avaient pas bavardé … Avait-il oublié leur rendez-vous ? Courait-il encore les bois ? … Avait-il laissé passer l’ heure ?… Pourtant …mais oui ! .. ;elle se souvenait …Le père de Sarah lui avait dit qu’ il avait aperçu le garçon qui traînait du côté des roulottes , quelques heures plus tôt … même qu’ il l’ avait trouvé changé …depuis qu’il avait quitté le cirque … il avait failli ne pas le reconnaître … Ronaldo ne s’ était pas attardé , il ne lui avait adressé que quelques mots …il semblait très pressé … Pressé d’ aller voir sa mère sans doute …mais Manuella ne l’ avait pas encore vu ! …avec tout ce qui s’ était passé entre-temps , elle avait oublié … Bon sang ! Où était-il passé ? pourquoi , dans les parages , Ronaldo n’ était-il pas passé la voir ??
Il fallait absolument qu’ elle envoie quelqu’un le chercher … ça commençait à bien faire ! Il fallait tout de même qu’ il soit là … ! …surtout maintenant avec ce qui s’était passé ! …

JOJO
Je m'asticotte les orteilles, et quand je m'asticotte les orteilles c'est que ma tête ne va pas très fort. Je suis assise sur le banc dehors, c'est la fin de la journée, ça fait deux jours qu'ils ont empaqueté Firmin dans un grand sac poubelle a fermeture éclaire. Bon je vais me ronger les ongles des pieds ça me changera, ceux des mains y'en a plus. J'ai l'impression que j'ai raté un épisode, ou plutôt que je ne devrait pas deviner ce que je devine. Dés que le visage de la photo réapparaît j'ai une angoisse terrible qui me vient. Pour sûre il avait un sourire détonnant ce gars là mais ......mais Firmin s'est tué, Firmin s'est tué ? ? ? ? il faudrait tout de même pas prendre JOJO pour une ortie sauvage, hier encore il était tout a son projet, hier encore il embrassait Amélie... Firmin se tirer une balle non mais ! et pourtant je suis nouvelle, mais ce type là ne se serait jamais donné le droit d'abandonner les siens, a commencer par sa petite Amélie, et puis .. OH c'est moche c'est très moche. Et qui va prendre le cirque sous sa coupe, qui va ..
Oh bon sang j'ai le droit de penser, personne ne viendra me les prendre. Serais-je une grande trouillarde, enfin il faut quand même dire qu'on a tué Firmin et le " on " est bien quelque part ? ? ? et pourquoi ? ? ? ?et si j'arrivait a faire le lien avec le sourire de la photo, je sens qu'il y a quelque chose. oh je ne m'appelle pas Manuala mais depuis que j'ai ouvert ce satané tiroir a secret d'Elysabeth et que mes yeux on aperçu cette photo, je ne cesse de chercher a qui ce mec me fait foutrement penser, il y a j'en suis sûre un lien avec quelqu'un que j'ai vu dans le cirque. mais qui ? ? ? Et Elysabeth dans tout ça ! ! !
Non c'est pas Elysabeth qui aurait assassiné Firmin ? ? ? non mais ça serait vraiment pas de chance ! je cohabiterai avec jack l'éventreur dans la plus grande impudence ? ? ?A l'insu de mon malgré moi ? ? ? ? oh oh oh jojo la froussardeeeee, oh jojo la trouillardeeeeeeee !
J'aime pas la mort, je ne suis pas la seule, c'est sûre, mais moi, encore moins que les autres, et puis je ne comprends pas pourquoi ? Et puis les meurtres oui c'est un meurtre, m'en fou personne ne m'entends, JE PENSE ! et puis les meurtres ça n'arrive que dans les journaux, à la télé , au cinéma , dans les romans, dans la vie ? ? ! ! mais même pas ça m'avait effleuré, oh lalalalalalala ! pire je connais la victime, enfin un peu , Il était la il y est plus !
Me revoilà avec le mec de la photo mais a qui me fait il penser ? je connais cette ambiance dans son visage.. Je vais fermer les yeux et faire la position de la cigogne . c'est une de mes positions fétiche pour mieux respirer mon corps, pour mieux respirer ma paix.
- Qu'est-ce que tu fais jojo ? ? ?
J'ouvre un oil et je vois la petite Amélie, oh bon sang que vais-je lui dire, je l'évite depuis que Firmin est parti, je l'évite car je ne sais pas quels mots lui dire, mon cour lui sait mais mes mots non..
- je fais la cigogne lilie c'est une position qui me permet d'être plus sereine, de me retrouver quand je me perd trop loin .
- Ah je vois toi aussi tu t'es perdue, si j'avais su j'aurai fait la cigogne moi aussi, tu n'aurais pas une position pour faire sortir le chagrin ? ? ? je crois que j'étouffe !
- Euh ! ! ! oui ! j'ai une position géniale pour les chagrins prisonniers, viens approche toi lilie, viens dans mes bras, oui voilà comme ça, approche ton oreille de moi, euh l'oreille droite de préférence s'il te plaît chaque oreille est particulière, il ne faut pas les mélanger tu comprends ? ? ?
- Non ! mais tiens voilà mon oreille si tu y tien !
Alors j'ai dit un truc pas facile a dire mais je crois qu'il fallait que je le dise à Amélie, pour qu'elle puisse se libérer dans ses larmes.
- Amélie. ton grand père est mort , dans la vie. mais a jamais il restera dans ton cour
En fait je me suis mise a pleurer avant elle, je pleurais en marchant dans l'allée tout en fredonnant doucement un air de vie un peu triste.
Puis Amélie a pris mon cou et j'ai entendu ses larmes sortir de son âme . Nous avons fredonné puis nous avons ris un moment donné aussi, puis elle s'est remise a pleurer. PUIS je me suis soudain souvenu que le sourire de la photo ressembler comme deux gouttes d'eau a celui d'Anouschka !

ANOUSHKA
Stop.
J'ai arrêté les médicaments.
Les médecins sont sûrement hyper doués, mais c'est à MOI qu'on vient de tuer
mon père, après voir vu mon frère et ma mère mourir. Alors pardon, mais je
crois qu'au point où j'en suis, je vais faire comme JE veux.
Et puis j'ai besoin d'y voir clair cinq minutes.
Oh ma tête ! ça tourne mon Dieu, c'est une horreur.
Depuis combien de jours papa est mort ? Trois ? Quatre ? Plus ? J'en ai plus
la moindre idée. Je deviens dingue. Ça paraît normal non ? Une paumée à qui
on explose la famille et la vie à plusieurs reprises, elle a pas mal de
chances de devenir dingue, je me trompe ?
Du calme Anouchka, tu deviens pas dingue, c'est les comprimés, les larmes et
les nuits blanches (y en a eu plusieurs, ça j'en suis sûre) qui te font ça.
Tu vas t'en tirer.
.pour Amélie.
Oh mon Dieu, la pauvre. Comment je vais lui parler ? Elle a jamais connu son
père, elle a vécu toute sa vie entre ses grands-parents et moi, elle les a
toujours vu malheureux à cause de Raphaël, puis maman est morte, et ils
vienne de., et sa mère est complètement shootée aux anti-dépresseurs. A part
ça, ça va, c'est vrai ! Comment une petite fille peut grandir là-dedans ?
Alors, si quelqu'un m'entend, comment vous voulez que je croie en Dieu ou en
quoi que ce soit ? Mais on va être très simple, on m'a bien bousillé ma vie,
mais on touchera pas à ma fille. Je sais pas comment je vais me débrouiller,
mais je vais la tirer de tout ça. Elle va vivre avec des gens normaux, qui
vivent normalement, et qui vivent tout court.
Faut que je me lève. Le premier truc à faire quand on veut pas sombrer dans
le désespoir et la dépression, c'est de pas rester couchée. Ce que ça
tourne.
Je vais me remettre à pleurer. Papa.
Au moins, au niveau kleenex, j'ai ce qui me faut. J'en suis arrivée au stade
très critique où la vue de mes mouchoirs me fait pleurer : ils m'en ont tous
apporté pour être gentils et me montrer qu'ils ne m'oublient pas, mais quand
je les vois je repense à pourquoi tout le monde suppose que j'en ai besoin,
et je pleure encore plus parce que je suis émue d'imaginer qu'ils voudraient
me consoler. En bref c'est un vrai cercle vicieux. Mais je peux quand même
pas les balancer dans l'évier comme j'ai fait avec mes comprimés.
Je vais prendre une boîte parmi les deux douzaines et je vais aller me
recoucher cinq minutes.
Ou la ! Vu le nombre que j'en ai vidé. Bon, cinq minutes de pause et après.
Après, on verra.
Papa.
Le pire, c'est qu'il ne devait pas mourir ! Y a quelqu'un qui a cru qu'il
avait le droit de nous l'enlever. C'est monstrueux. Je vais tuer celui qui a
fait ça. J'ai rien pu faire pour maman mais là. Non, Anouchka, quand on tue
quelqu'un, on finit en prison, et ta fille a besoin de toi. Va falloir que
je laisse ce salaud respirer en toute impunité pour ma fille. Oh ! et puis
qu'est-ce que ça m'apporterait de le voir mourir ? J'en ai vu trop des gens
mourir.
Et moi qui me suis engueulée avec lui juste avant. J'aurais pas pu être
gentille une fois ? Je vais le regretter toute ma vie de même pas lui avoir
dit bonne nuit ce soir-là.
Amélie ! Où est AMELIE ? Comment j'ai pu la laisser toute seule ? Non.
Du calme, David s'occupe sûrement d'elle. Depuis, il ne la lâche pas, lui.
Alors que toi Anouchka. Arrête, arrête de culpabiliser, si tu crois que
c'est ça qui va rendre ta fille heureuse.
Si les médecins avaient la moindre idée des cauchemars que donnent leurs
trucs. Faut que je voie Ronaldo. (Manuella doit savoir où il est, j'en suis
certaine.)Pour être sûre qu'il va bien, déjà.
Pour le supplier de revenir, ensuite. Même s'il m'aime plus. C'est pas ça le
problème. Pour Amélie. Je pourrais pas m'en tirer toute seule, je le sais.
Il le sait. Elle a besoin de lui. Il pourra pas me dire non. Ronaldo s'il te
plait. juste pour Amélie.


AMELIE
Pourquoi est-ce que les gens meurent?
Pourquoi papi Firmin il est parti comme ça sans même me faire un bisou?
Pourquoi?
A qui je vais parler maintenant?
Qui pourra m'écouter sans froncer les sourcils, sans dire "tu es trop petite, tu comprends pas"... qui?
J'ai pu rien dire de toutes les questions que j'avais dans ma tête... j'ai pas eu le temps de lui demander à Firmin... alors qui va pouvoir me répondre maintenant hein?!
C'est pas juste! C'est pas juste! C'est pas juste!...
Maman pleure, Colline pleure, même Jojo, la plus forte de toutes, elle pleure... et moi... je pleure aussi... mais ça change rien... ça me fait mal quand-même.
Je savais pas que la mort ça faisait mal pour ceux qu'étaient pas morts...
D'ailleurs, je savais rien de la mort avant maintenant...
Et toi Doudou? Tu pleures aussi?!... ben oui, c'est sûr, mais tu sais Doudou, je serai toujours là pour t'écouter moi... t'en fais pas... Dis Doudou... t'y crois toi à ces histoires de paradis?... Parce que tu sais, y'a plein d'adultes qui y croient; c'est bizarre quand-même ça... Ils croient pas au père Noël, mais au paradis, ils y croient drôlement... J'comprendrai jamais rien aux grands moi!